• Dr Camille Hua : Zona: Un vaccin pour les personnes immunodéprimées

Camille Hua

Discipline : Infectiologie

Date : 23/10/2023


Un nouveau vaccin recombinant contre le zona entre en lice en France.

Il pourrait surtout être prescrit aux patients immunodéprimés, jusque-là exclus de ce traitement. Entretien avec le Dr Camille Hua, dermatologue et vénérologue à l’hôpital Henri-Mondor à Créteil.

 

TLM : Le zona est-il une maladie fréquente ?

Dr Camille Hua : En France, l’incidence annuelle de cette infection due à la réactivation du virus de la varicelle-zona (VZV) resté latent dans les neurones des ganglions sensitifs, se situe entre 3,7 et 4,6 nouveaux cas pour 1 000 habitants. Mais à partir de 50 ans, elle croît régulièrement pour atteindre 7 à 8‰ chez les 70-79 ans, et près de 10‰ après 80 ans. Toutes les tranches d’âge peuvent être touchées, mais c’est après 50 ans que l’on observe le plus de cas : à partir de cet âge, on estime qu’un quart de la population va développer un zona.

 

TLM : Qu’est-ce qui provoque la réactivation du VZV ?

Dr Camille Hua : Plusieurs circonstances peuvent la favoriser, mais toutes ont en commun une altération de l’immunité cellulaire, qui peut résulter du vieillissement naturel du système immunitaire (l’immunosénescence), ou d’une immunodépression temporaire (stress aigu, infection virale bénigne, traumatisme physique…) ou plus durable (VIH, cancers sous chimiothérapie, leucémie aiguë ou lymphome, greffe, maladie auto-immune, corticothérapie générale...).

 

TLM : Quels sont les symptômes du zona et ses différentes manifestations ?

Dr Camille Hua : Le zona touche généralement le thorax (50 %) —on parle de zona intercostal, mais toutes les localisations sont possibles. À la phase aiguë, les prodromes sont des douleurs radiculaires qui se manifestent par des sensations de brûlures, de décharges électriques ou de fourmillements, associées à une hypersensibilité ou, au contraire, une perte de sensibilité. Trois ou quatre jours plus tard, apparaissent des placards érythémateux surmontés de vésicules à contenu clair regroupées en bouquets sur le territoire innervé par les fibres nerveuses touchées. Ces symptômes sont situés sur une zone bien localisée, unilatérale, en bande, s’arrêtant à la ligne médiane. Au bout d’une dizaine de jours, des croûtes se forment, pouvant ou non laisser place à des cicatrices. Cette phase aiguë dure environ deux semaines.

 

TLM : Existe-t-il des formes plus graves ?

Dr Camille Hua : Le zona ophtalmique fait partie des formes graves car il se développe sur le territoire innervé par le trijumeau V1 (ou nerf ophtalmique) et expose à un risque de kératite et même de cécité. Chez les personnes dont le système immunitaire est fortement affaibli, plusieurs zones du corps peuvent être touchées. On parle alors de « zona multimétamérique » (plusieurs territoires neurologiques atteints). Chez les patients immunodeprimés, des formes de zonavaricelle sont également décrites. Les symptômes sont ceux du zona avec une éruption de vésicules en bouquet dans un territoire neurologique et ceux d’une varicelle avec plus d’une vingtaine de vésicules ombiliquées à distance.

L’atteinte n’est par ailleurs pas toujours limitée à la peau : le zona peut donner des atteintes d’organe tels qu’une hépatite, une méningo-radiculite, une atteinte pulmonaire, une paralysie faciale périphérique. Mais ces formes restent très rares et surviennent principalement chez l’immunodéprimé.

 

TLM : Quelles sont les complications potentielles d’un zona ?

Dr Camille Hua : Comme toute dermatose avec effraction de la barrière cutanée, en phase aiguë il existe un risque de surinfection des lésions qu’il conviendra de surveiller. Les plus fréquentes sont les algies post-zostériennes —des douleurs neuropathiques sur le territoire où se localisait le zona et qui persistent malgré la guérison, plus d’un mois après l’épisode aigu. Les douleurs peuvent être très intenses et très invalidantes, et avoir un fort impact sur la qualité de vie des personnes touchées et durer plusieurs mois voire plusieurs années. Elles sont d’autant plus fréquentes que les patients sont âgés : le risque qui est de 50% après 50 ans passe à 70% après 70 ans.

 

TLM : Comment pose-t-on le diagnostic d’un zona ?

Dr Camille Hua : Essentiellement à partir de l’examen clinique du patient. En cas de doute, on peut confirmer en procédant à une amplification du génome du virus (PCR-VZV) à partir d’un échantillon de liquide vésiculaire prélevé à l’aide d’un écouvillon mais cet examen n’est pas indispensable. Il est recommandé de prescrire une NFS et une sérologie VIH en systématique chez les sujets de moins de 50 ans. Il est important de réagir rapidement car plus le traitement est administré précocement, plus il est efficace et limite le risque de complications, en particulier d’algies post-zostériennes.

 

TLM : En quoi consiste la prise en charge ?

Dr Camille Hua : Le traitement du zona repose sur des mesures symptomatiques avec des antalgiques palier 1 à 2, des mesures d’hygiène avec lavage (bi)-quotidien des lésions à l’eau et au savon, des antiseptiques sur les lésions et, au stade de croute, de la vaseline. Le traitement antiviral est limité à certaines indications : le zona ophtalmique, les patients de plus de 50 ans, les patients à risque d’algies zostériennes (intensité de la douleur en phase prodromique et aiguë et gravité de l’éruption) et les patients immunodéprimés quel que soit leur âge. Il repose sur la prescription du valaciclovir, per os 1 g trois fois par jour pendant 7 jours. Celui-ci doit être pris dans les 48 à 72 heures après le début des symptômes pour être pleinement efficace. Pour les patients immunodéprimés, il y a une indication à un traitement intraveineux en hospitalisation par aciclovir 10mg/kg toutes les 8 heures. Le but de ce médicament n’est pas de réduire la durée des symptômes mais de prévenir au mieux les risques de complications, c’est pourquoi il n’est pas indiqué en systématique.

 

TLM : Et comment soulager les douleurs post-zostériennes ?

Dr Camille Hua : Ces douleurs, qui ont un impact très négatif sur la qualité de vie des patients, sont très difficiles à traiter. On peut essayer de les soulager avec certains antidépresseurs imipraminiques (amitriptylline, clomipramine, imipramine) et certains antiépileptiques (gabapentine, prégabaline, carbamazépine) que l’on utilise dans les douleurs neuropathiques. On peut aussi orienter les patients vers les centres anti-douleur. Le but de la vaccination est de prévenir ces algies post-zoostériennes fréquentes et très invalidantes chez les sujets âgés.

 

TLM : Quelle est la place du vaccin contre le VZV ?

Dr Camille Hua : Actuellement, en France, on ne dispose que d’un seul vaccin contre le zona. Composé d’une souche virale atténuée du VZV, il est recommandé chez les 65-74 ans mais contre-indiqué chez les personnes immunodéprimées, ce qui limite fortement son intérêt. Mais les choses évoluent avec l’arrivée en France d’un nouveau vaccin. Déjà autorisé au demeurant aux ÉtatsUnis chez les plus de 50 ans et dans certains pays d’Europe dont la Belgique, ce vaccin recombinant présente une efficacité supérieure (89 %) et plus durable, mais, surtout, il peut être administré aux patients immunodéprimés pour prévenir les risques de récidive.

Propos recueillis

par Charlotte Montaret

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