• Dr Bekka : L’autosurveillance glycémique, un outil précieux pour équilibrer son diabète

Saïd Bekka

Discipline : Cardiologie

Date : 18/04/2023


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Ne pas proposer l’autosurveillance glycémique aux patients diabétiques éligibles entraîne une perte de chances pour équilibrer ces patients, estime le Dr Saïd Bekka, endocrinologue et diabétologue à Chartres, cofondateur de l’Institut de diabétologie et nutrition du Centre (IDNC).

 

TLM : Quels sont les patients diabétiques pour qui l’autosurveillance glycémique est recommandée ?

Dr Saïd Bekka : Tous les patients sous insulinothérapie, qu’ils souffrent d’un diabète de type 1 ou de type 2, pour qu’ils puissent ajuster leur dose d’insuline à leur glycémie. L’autosurveillance est également importante chez les diabétiques de type 2 qui ne sont pas traités par insuline mais qui, du fait de leur risque élevé d’hypoglycémie, sont susceptibles de l’être bientôt.

 

TLM : Quels sont les objectifs de cette autosurveillance ?

Dr Saïd Bekka : Le diabète est l’une des rares maladies chroniques qui reste asymptomatique même lorsqu’elle est déséquilibrée. Une hypertension artérielle va rapidement engendrer des maux de tête, un asthme non contrôlé se manifeste immédiatement par des crises, mais un taux de sucre excessif dans le sang peut perdurer pendant des années sans provoquer le moindre symptôme. L’autosurveillance glycémique, en permettant aux patients de connaître leur glycémie et de détecter la survenue d’une hyperglycémie ou d’une hypoglycémie, les aide à « conscientiser » leur diabète et à réaliser qu’il s’agit d’une vraie maladie.

Ils se rendent davantage compte de l’influence de l’alimentation, d’une activité physique, du stress, des maladies ou d’un nouveau médicament sur la glycémie. Outre cet aspect éducationnel, l’autosurveillance glycémique sert à ajuster le traitement afin d’atteindre les objectifs thérapeutiques, que ce soit à travers la mise en place de mesures hygiéno-diététiques ou au moyen des médicaments. Enfin, pour les patients diabétiques de type 2 non traités par insuline mais pour lesquels ce traitement risque d’être envisagé, l’autosurveillance permet de se préparer et de se familiariser avec cette pratique.

 

TLM : Les objectifs thérapeutiques sont-ils différents d’un patient à l’autre ?

Dr Saïd Bekka : Ils diffèrent en fonction de l’âge et de l’état physiologique : chez un jeune diabétique, la cible thérapeutique est une glycémie comprise entre 0,7 et 1,10 g/l en dehors des repas et inférieure à 1,60 g/l après un repas ; chez une personne âgée (>80 ans), on cherche plutôt à atteindre une glycémie stable de 2 g/l.

 

TLM : Quels sont les dispositifs d’automesure ?

Dr Saïd Bekka : L’automesure de la glycémie à proprement parler repose sur l’analyse d’une goutte de sang capillaire prélevée au bout du doigt à l’aide d’un autopiqueur ; il suffit ensuite d’insérer dans un lecteur de glycémie la bandelette de test ou l’électrode sur laquelle a été déposée la goutte, puis de patienter quelques secondes avant d’obtenir le résultat. Pour que celui-ci puisse être correctement analysé, il est important que le patient le note dans un carnet de surveillance, accompagné de l’heure et des conditions dans lesquelles le prélèvement a été réalisé — après une activité physique, avant ou après un repas, mais aussi dans des conditions inhabituelles comme une forte chaleur, un rhume, une fièvre, en période de stress, etc. Il existe un autre dispositif d’autosurveillance qui consiste à mesurer le glucose interstitiel —non glycémique— par système flash.

Les études ont en effet montré que la quantité de glucose dans le milieu interstitiel était un bon indicateur de la glycémie. Le dispositif est composé d’un capteur fixé à l’arrière du bras qui mesure en continu, pendant 14 jours, la concentration du glucose dans le liquide interstitiel, et d’un lecteur qui scanne le résultat, fournit une estimation de la glycémie immédiate, l’historique sur huit heures, ainsi que la tendance d’évolution dans la demi-heure qui suit. Les patients n’ont plus besoin de se piquer le bout du doigt.

 

TLM : La prescription de ces systèmes d’autosurveillance nécessite-t-elle une formation du patient ?

Dr Saïd Bekka : Conformément aux recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé, la prescription et l’utilisation d’une autosurveillance glycémique doivent s’inscrire dans une démarche d’éducation du patient, et de son entourage si besoin. Il est en effet indispensable d’en expliciter les enjeux et d’organiser cette autosurveillance avec le patient : fréquence, fixation des horaires, objectifs glycémiques, mais aussi décisions thérapeutiques à adopter en fonction des résultats.

 

TLM : Les mesures à domicile doivent-elles être complétées par des mesures en laboratoire ?

Dr Saïd Bekka : L’autosurveillance de la glycémie ne dispense pas d’une mesure de l’hémoglobine glyquée à la fréquence d’un contrôle tous les trois mois. C’est un bon indicateur des glycémies moyennes sur les trois derniers mois.

 

TLM : Les diabétiques de type 2 éligibles aux dispositifs d’autosurveillance de la glycémie sont-ils tous équipés ?

Dr Saïd Bekka : Certains patients, par peur se piquer le doigt plusieurs fois par jour, d’avoir mal ou d’être stigmatisés, refusent ces dispositifs. C’est une vraie perte de chances pour eux. Il est donc important de les écouter afin de comprendre leurs réticences. Pour éventuellement les faire changer d’avis.

 

TLM : Comment se fait le choix du lecteur de glycémie ?

Dr Saïd Bekka : Il résulte d’une décision concertée entre le patient et son médecin ou son pharmacien, en fonction de ce dont il a envie, besoin et de ce qu’il est capable de faire. C’est lui qui va vivre avec, il est donc essentiel d’en discuter ensemble.

 

TLM : Le médecin généraliste peut-il être à l’origine de la prescription ?

Dr Saïd Bekka : Tout médecin peut initier la prescription d’un système d’automesure de la glycémie. En revanche, seuls les diabétologues et les pédiatres expérimentés en diabétologie peuvent initier celle d’un capteur de glucose en continu ; mais son renouvellement peut, par la suite, être assuré par le médecin généraliste. L’Assurance maladie prend en charge 200 bandelettes de test de mesure de la glycémie par an, à condition de souffrir d’un diabète de type 1, ou d’un diabète de type 2 à risque d’insulinothérapie. Depuis juin 2017, elle rembourse également le dispositif d’autosurveillance par mesure du glucose interstitiel, mais uniquement chez les patients traités par insulinothérapie intensifiée — au moins trois injections quotidiennes ou par pompe externe—, quel que soit le type de diabète.

Propos recueillis

par Mathilde Raphaël

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