• Dr BEAULIEU : Les antidotes aux ballonnements et flatulences

Sandrine BEAULIEU

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 11/07/2022


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Ballonnements et flatulences, seuls ou associés à des brûlures épigastriques, constituent un motif de consultation fréquent. Le patient semble s’y résigner alors qu’il existe des traitements efficaces tels que les antiacides, la combinaison de la siméticone, du charbon actif et de l’oxyde de magnésium ou encore les probiotiques.

Les explications du Dr Sandrine Beaulieu, gastro-entérologue à Pontoise.

 

TLM : Que faire face à ces « petits » troubles digestifs que sont les ballonnements, les flatulences ; seuls ou associés aux brûlures épigastriques ?

Dr Sandrine Beaulieu : Ils sont souvent liés à un syndrome de l’intestin irritable, dont la prévalence est considérable —de l’ordre de 5 à 10 % de la population adulte française. Les femmes sont trois fois plus concernées que les hommes, sans qu’aucune justification physiologique n’ait été identifiée. Dans cette pathologie, les troubles digestifs touchent tout le tube digestif, haut et bas. Certains patients ont une prédominance de symptômes bas, ballonnements abdominaux diffus, douleurs abdominales ou troubles du transit (constipation, diarrhée ou alternance diarrhée/constipation), d’autres présentent plutôt des symptômes hauts, comme le syndrome dyspeptique qui inclut des nausées, une sensation de plénitude post-prandiale, des éructations mais aussi des brûlures épigastriques. Ces symptômes peuvent s’installer et engendrer un syndrome chronique avec des phases d’accalmie, des phases de recrudescence. Les symptômes sont souvent favorisés par les repas. Certains aliments constituent des facteurs déclenchants dans les ballonnements. Les médecins prodiguent d’ailleurs des conseils hygiéno-diététiques : prendre les repas de manière très régulière, mastiquer suffisamment, et surtout limiter la consommation de FODMAP, dont les sucres fermentescibles génèrent des gaz et des sensations douloureuses.

 

TLM : Les patients qui souffrent de ce syndrome consultent-ils rapidement ?

Dr Sandrine Beaulieu : Nous estimons que seuls un tiers des patients concernés consultent un médecin, probablement parce que le corps médical ne répond pas totalement à leurs attentes lorsque les symptômes sont invalidants. Beaucoup de patients se documentent et trouvent des solutions alternatives, comme l’éviction de certains aliments mais aussi l’utilisation de probiotiques en vue de rééquilibrer leur flore intestinale. Il existe parfois une incompréhension entre le patient et le médecin, au décours de la réalisation d’examens normaux : Il ne s’agit pas d’une maladie organique, mais de symptômes fonctionnels, qui ne sont pas palpables, et sont donc plus difficiles à appréhender. Le diagnostic s’effectue au moyen d’un interrogatoire rigoureux et de critères cliniques, la réalisation d’examens complémentaires comme la coloscopie étant pratiquée uniquement en cas de doute diagnostique avec une maladie organique ou en cas de facteurs d’alarme (perte de poids, sang dans les selles...).

 

TLM : Quels sont les traitements de première intention en cas de ballonnements, de flatulences ; seuls ou associés aux brûlures épigastriques ?

Dr Sandrine Beaulieu : En cas de ballonnements et de flatulences, les molécules agissant sur la physique des gaz ont prouvé leur efficacité. Ainsi, la siméticone permet la coalescence des bulles de gaz, favorisant leur évacuation. La siméticone peut également être couplée à du charbon activé, une molécule connue depuis longtemps et qui possède des pouvoirs élevés d’adsorption des gaz. Son innocuité parfaite autorise des cures régulières. Ces molécules apportent un soulagement rapide au patient. Certaines galéniques associant du charbon, de la siméticone et des antiacides s’avèrent très pertinentes chez les patients présentant des symptômes dyspeptiques du tube digestif haut, en particulier lorsqu’il existe des brûlures épigastriques associées ou lorsque les ballonements et la distension abdominale engendrent des brûlures épigastriques par reflux .

 

TLM : L’efficacité thérapeutique de ces traitements est-elle acquise ?

Dr Sandrine Beaulieu : Les patients sont généralement soulagés assez rapidement. Les médecins peuvent prescrire des cures courtes, qui peuvent être répétées dans le temps. Il s’agit de molécules naturelles, les effets secondaires sont peu nombreux. En revanche, le charbon diminuant l’absorption des aliments et des médicaments, il convient de prendre ce traitement à distance de tout autre traitement (au moins une heure entre les deux).

 

TLM : L’association oxyde de magnésium, charbon activé et siméticone constitue-t-elle un traitement sur le long terme ou une réponse à une crise ?

Dr Sandrine Beaulieu : Tout dépend de la fréquence des symptômes. Certains patients se plaignent de manière épisodique, il faut alors privilégier les traitements de courte durée avec un soulagement rapide sur la crise. Cette association est alors tout à fait indiquée. En revanche, certains patients ont des formes récurrentes et beaucoup plus invalidantes, entraînant des retentissements sur leur qualité de vie. Il est alors préférable de proposer, en plus des traitements symptomatiques, une approche plus physiopathologique, comme restaurer leur microbiote en prescrivant des probiotiques, et insister sur les régles hygiéno-diététiques, notamment avec la réduction de la consommation alimentaire de FODMAP.

 

TLM : Quelle est la place du médecin généraliste dans la prise en charge ?

Dr Sandrine Beaulieu : Le rôle du médecin généraliste est essentiel. C’est un motif de consultation très fréquent en médecine générale. C’est en premier lieu au médecin traitant que le patient va s’adresser. Le médecin généraliste va généralement évoquer le diagnostic, proposer un traitement de première intention et éventuellement adresser au confrère gastroentérologue en cas de doute diagnostique ou en cas d’échec du traitement de première intention. Il revient au médecin généraliste de rassurer le patient et d’instaurer une prise en charge qu’elle soit hygiéno-diététique et/ou médicamenteuse. Le médecin joue un rôle énorme de réassurance et d’explication face aux symptômes. Les patients sont rassurés de savoir qu’ils ne souffrent pas d’une maladie grave, mais qu’il existe bien une explication physiopathologique à leurs symptômes et des solutions thérapeutiques.

Propos recueillis

par Jeanne Labrune

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