• Dr BAKHACHE : Calendrier vaccinal 2022 : Les nouveautés en pédiatrie

Pierre BAKHACHE

Discipline : Pédiatrie

Date : 11/07/2022


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Le calendrier vaccinal 2022 a été publié le 21 avril dernier. De nouvelles stratégies sont recommandées et la coqueluche fait l’objet d’une attention particulière. Le point avec le Dr Pierre Bakhache*, pédiatre, expert national INFOVAC, membre de l’AFPA (Association française de pédiatrie ambulatoire) et du GPIP (Groupement pathologies infectieuses pédiatriques).

 

TLM : Dans le calendrier vaccinal 2022, quelles sont les nouveautés pour le nourrisson ?

Dr Pierre Bakhache : La nouveauté principale chez le nourrisson c’est la vaccination contre les infections invasives à méningocoques de groupe B par Bexsero, seul vaccin qui existe dans cette indication. Cette recommandation fait suite à la publication d’un avis de la HAS du 22 juin 2021 en faveur de cette vaccination systématique.

 

TLM : Quel est le schéma vaccinal recommandé ?

Dr Pierre Bakhache : Une première dose doit être administrée aux enfants à l’âge de trois mois, une deuxième à cinq mois, et une dose de rappel à un an. Ce vaccin est désormais remboursé à 65 %. Il faut noter qu’il n’intègre pas les 11 vaccins obligatoires qui, eux, relèvent d’une décision légale. Pour l’instant Bexsero est fortement recommandé mais pas obligatoire, par exemple pour entrer en crèche. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas le faire, bien au contraire. L’objectif de ce vaccin est de prévenir les méningites, les septicémies et autres infections graves provoquées par les méningocoques du groupe B, le plus fréquent en France.

Ce sont des maladies mortelles dans 10 % des cas et 30 % des survivants restent lourdement handicapés.

 

TLM : La vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche est une autre nouveauté du nouveau calendrier. Quelle en est la justification ?

Dr Pierre Bakhache : L’objectif de cette vaccination, qui doit être réalisée à partir du deuxième trimestre de grossesse, c’est de protéger le nourrisson dès sa naissance contre la coqueluche. In utero, la maman va transmettre des AC à son bébé, donc il sera protégé contre la coqueluche, en attendant d’être lui-même vacciné contre cette maladie à deux mois puis quatre mois. Attention : la protection, chez le nourrisson, n’est complètement efficace qu’à partir de la deuxième dose. Or les deux premiers mois de vie sont les plus à risque de coqueluche grave ! D’où l’importance de la vaccination des futures mamans.

 

TLM : A-t-on un recul suffisant sur cette vaccination ?

Dr Pierre Bakhache : Bien sûr, la sécurité de cette vaccination est bien établie. Elle est déjà réalisée dans beaucoup de pays européens. Aux Etats-Unis, au Canada, en Inde, elle se pratique depuis plusieurs années, avec succès. Il faut noter qu’à Mayotte elle était déjà recommandée. Aujourd’hui cette vaccination des femmes enceintes contre la coqueluche concerne toute la France.

 

TLM : La coqueluche est-elle toujours à craindre ?

Dr Pierre Bakhache : En France, cette maladie est en résurgence. Ces dernières années, nous avions une bonne couverture vaccinale. Mais la pratique du rappel n’est pas satisfaisante chez l’adolescent, l’adulte et la personne âgée. Pourtant, dès les années 90, on recommande la vaccination pour tous ceux qui gravitent autour d’un bébé : parents, frères et sœurs, grands-parents... Mais ce n’est pas fait ou très peu. Donc en vaccinant la femme enceinte, on protège le bébé plus efficacement.

 

TLM : Chez l’enfant et l’adolescent, les rappels du vaccin contre la coqueluche sont-ils importants ?

Dr Pierre Bakhache : Chez l’adolescent et l’adulte en bonne santé, on n’observe pas de formes graves mais c’est une maladie pénible avec une toux persistante pendant plusieurs semaines, qui peut provoquer une grande fatigue. Or, si on est contagieux, on peut transmettre la maladie au nourrisson. D’où l’importance des rappels : un premier rappel à six ans, un second entre 11 et 13 ans avec la dose adulte, puis un rappel chez l’adulte à 25 ans, 45 ans et 65 ans, puis tous les 10 ans. C’est la recommandation actuelle. A une nuance près : quand un bébé arrive dans la famille, il faut refaire cette vaccination si elle date de plus de 10 ans. Par exemple, un papa ou des grands-parents ne doivent pas attendre 25 ans pour procéder à leur rappel.

Onze vaccins sont obligatoires pour les moins de deux ans. A quel âge faut-il réaliser les rappels ? Quels sont les risques en cas de retard, voire d’absence de ces rappels ?

Les rappels ne sont pas très nombreux.

A six ans, 11 ans puis 25 ans, il ne faut pas oublier le rappel du vaccin diphtérie, tétanos coqueluche et polio. C’est important pour maintenir une bonne couverture vaccinale surtout pour la coqueluche, qui est résurgente, et le tétanos. Le rappel du vaccin contre les méningites A, C, Y et W n’est pas encore dans le calendrier vaccinal, mais c’est important de le faire.

 

TLM : Quel est le rôle du médecin généraliste dans la politique de vaccination ?

Dr Pierre Bakhache : Il faut souligner deux points importants : le médecin généraliste est l’acteur principal de cette vaccination, devant les pédiatres et les PMI puisqu’il réalise les deux tiers des vaccinations en France. Une lourde charge, d’autant plus que ses patients ont entre 0 et 100 ans. Par ailleurs, il doit convaincre les réticents et les parents inquiets. L’intégriste anti-vaccinal est difficile à convaincre mais il est très minoritaire. Les autres patients ont des interrogations et des peurs légitimes, ils ont besoin d’explications et le médecin généraliste doit prendre le temps nécessaire pour leur parler.

 

TLM : La vaccination contre le Covid-19 a laissé dans l’ombre les autres vaccins et leurs rappels. A-t-on évalué le retard qui s’en est suivi ?

Dr Pierre Bakhache : La crise sanitaire a provoqué un retard dans les rappels de vaccination chez un Français sur cinq. Environ un million de doses prévues n’ont pas été faites. Les conséquences peuvent être délétères et faire craindre la résurgence de maladies comme la coqueluche. On a eu aussi, pendant cette crise, une baisse de la vaccination contre la rougeole. On est en train de remonter le retard chez les nourrissons mais pas encore chez les adolescents et les adultes. Il y a donc du travail à accomplir.

 

TLM : La vaccination contre le Covid-19 chez les enfants est-elle recommandée dans le nouveau calendrier vaccinal ?

Dr Pierre Bakhache : Avec le recul que l’on a aujourd’hui, on sait qu’il est intéressant de vacciner les enfants et les adolescents car les virus continuent de muter.

Nous sommes favorables à cette vaccination car elle diminue la gravité de la maladie et ne présente pas d’effet secondaires notables. Mais elle ne fait pas partie du calendrier vaccinal 2022.

Propos recueillis

par Brigitte Fanny Cohen

* Liens d’intérêt à retrouver sur www.transparence.gouv.fr

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