• Dr Aupomerol : Contre la sécheresse vulvovaginale, viser les soins hydratants/lubrifiants

Marion Aupomerol

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 17/01/2023


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La sécheresse vaginale, principalement due à une carence en œstrogènes, est un problème fréquent, particulièrement après la ménopause. Le Dr Marion Aupomerol, gynécologue médicale et sexologue à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif), rappelle les solutions pour atténuer la gêne et soulager les patientes.

 

TLM : D’après les statistiques, une femme sur six en France souffre de sécheresse vaginale. De quoi s’agit-il exactement ?

Dr Marion Aupomerol : La sécheresse vaginale correspond à une lubrification insuffisante de l’appareil génital féminin. Mais il est plus exact de parler de « sécheresse vulvovaginale » dans la mesure où ce symptôme peut affecter aussi bien le vagin que la vulve. D’ailleurs, la sécheresse au niveau de la vulve est généralement plus symptomatique que celle au niveau du vagin.

 

TLM : Comment se traduit cette sécheresse ?

Dr Marion Aupomerol : En dehors des rapports sexuels avec pénétration, où elle occasionne un inconfort voire de vraies douleurs, la sécheresse vaginale ne suscite pas de gêne particulière chez les femmes affectées. La sécheresse vulvaire a, en revanche, beaucoup plus d’impact. Du fait de sa situation anatomique, la vulve est en effet constamment soumise à des frottements via le port de sous-vêtements en dentelle ou de jeans trop serrés, de sorties à vélo ou de marche prolongée ; elle peut aussi gêner les rapports sexuels, même sans pénétration, notamment lors des caresses. Qu’il affecte la vulve, le vagin ou les deux, le symptôme de sécheresse vulvovaginale peut s’accompagner de symptômes mimant les infections urinaires comme des brûlures en urinant, des mictions plus fréquentes. Les démangeaisons, en revanche, ne font pas partie de sa symptomatologie et doivent donc orienter le médecin vers une autre cause, comme une mycose ou une maladie de peau (psoriasis, eczéma, lichen).

 

TLM : Quelles sont les causes pouvant expliquer la sécheresse vulvovaginale ?

Dr Marion Aupomerol : Chez les femmes, la lubrification est normalement assurée par les œstrogènes ; une sécheresse vulvovaginale peut donc être due à une baisse de leur production. Si cette baisse résulte le plus souvent d’un arrêt de la fonction ovarienne à la ménopause, elle peut aussi être induite par l’ablation bilatérale des ovaires ou encore par certains traitements anticancéreux (en particulier l’hormonothérapie ou la chimiothérapie, pouvant entraîner un arrêt des règles transitoire ou définitif). Outre la carence en œstrogènes, d’autres situations peuvent altérer le niveau d’hydratation de la peau et des muqueuses et être à l’origine d’une sécheresse vulvovaginale : c’est le cas de certaines maladies entraînant des « syndromes secs » (comme le syndrome de Goujerot-Sjögren), de certaines pathologies dermatologiques ou de médicaments, notamment des antihistaminiques, vasoconstricteurs, antidépresseurs et anti-acnéiques.

Enfin, si l’on exclut les troubles de l’excitation sexuelle pouvant s’accompagner d’une lubrification moins importante au moment du rapport intime, l’impression de sécheresse en dehors des rapports peut être liée à une simple irritation ou à une cause infectieuse.

 

TLM : Existe-t-il un lien avec l’activité ou l’absence d’activité sexuelle ?

Dr Marion Aupomerol : Non, aucune étude n’a établi un tel lien.

 

TLM : Certaines femmes sont-elles plus touchées que d’autres ?

Dr Marion Aupomerol : Disons plutôt que certaines femmes sont plus à risque : les femmes ménopausées dont la carence en œstrogènes provoque ou accentue cette sécheresse, ainsi que les femmes allaitantes. Mais une carence en œstrogènes ne se traduit pas inévitablement par une sécheresse vulvovaginale symptomatique. Autrement dit, certaines femmes peuvent être carencées et ne ressentir aucune sécheresse intime. À l’inverse, d’autres peuvent avoir l’impression d’une sécheresse importante sans que cela soit objectivé à l’examen clinique. Tout est question de ressenti !

 

TLM : Le diagnostic requiert-il nécessairement un examen clinique ?

Dr Marion Aupomerol : Celui-ci n’est pas indispensable mais il permet néanmoins d’affiner le diagnostic et de localiser la sécheresse. En effet, certaines femmes ont parfois du mal à situer précisément le problème.

L’examen de la vulve et du vagin permet donc d’objectiver la plainte, mais aussi d’écarter d’autres causes parmi celles citées précédemment. La sécheresse étant un diagnostic d’élimination lorsqu’il existe un inconfort ou des douleurs vulvovaginales.

 

TLM : Arrive-t-il qu’une sécheresse vulvovaginale soit diagnostiquée de manière fortuite, au décours d’un examen gynécologique ? Le cas échéant, quelle doit être la démarche du praticien ?

Dr Marion Aupomerol : Il arrive en effet que l’on constate à l’examen clinique une sécheresse vulvovaginale sans que la patiente n’ait formulé la moindre plainte. Dans ce cas, on ne traite pas. On peut éventuellement poser la question sur l’existence d’une gêne au quotidien ou lors des rapports mais sans insister si la femme n’exprime pas de plainte. Il ne faut pas créer de problématique là où il n’y en n’a pas ! La prise en charge de la patiente doit être proposée uniquement en cas de plainte de la part de cette dernière.

 

TLM : En quoi consiste cette prise en charge ?

Dr Marion Aupomerol : Le traitement local dépend de la localisation de la gêne : vulvaire, vaginale ou les deux. Le traitement le plus efficace est hormonal (à base d’œstrogènes ou dérivés), mais il existe aussi des traitements locaux non hormonaux (contenant le plus souvent de l’acide hyaluronique ou des polycarbophiles). Contre la sécheresse vulvaire, on peut utiliser des gels ou des crèmes, qui aident à maintenir le taux d’hydratation et à protéger les muqueuses intimes. Pour être efficaces, ces gels ou crèmes hydratants doivent faire partie de la routine quotidienne et être appliqués régulièrement (tous les jours ou tous les deux-trois jours, selon la gêne) après la toilette. Les traitements non hormonaux n’étant pas remboursés, les femmes peuvent aussi les remplacer par de l’huile de coco, de sésame ou de jojoba afin d’améliorer le confort au quotidien. En cas de sécheresse vaginale associée, elles peuvent utiliser des crèmes, gels ou ovules hydratants au quotidien, ainsi que du lubrifiant au moment des rapports afin de retrouver tout le confort attendu durant les rapports sexuels avec pénétration. Efficace sur la sécheresse vaginale, le traitement hormonal de la ménopause (THM) n’est cependant indiqué qu’en cas de syndrome climatérique associé (bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, troubles du sommeil, etc.) En outre, comme tout produit à base d’oestrogènes, il est contre-indiqué chez les femmes avec des antécédents de cancer hormonodépendant (notamment le sein et l’endomètre), et le traitement local hormonal est lui aussi déconseillé. La solution est alors d’opter pour les produits non hormonaux cités ci-avant.

Propos recueillis

par Amélie Pelletier

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