• Dr Audrey Pichon : Infections urinaires chez la femme : Des symptômes aux traitements…

Audrey Pichon

Discipline : Gynécologie, Santé de la Femme

Date : 10/01/2024


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Cystite simple, cystite aiguë, cystites à répétition : des symptômes au diagnostic, de la prise en charge non médicamenteuse aux traitements recommandés… Le point sur le suivi et la prise en charge de ces infections urinaires chez la femme avec le Dr Audrey Pichon, urologue à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines).

 

TLM : Quels sont les symptômes évocateurs d’une cystite simple ?

Dr Audrey Pichon : La cystite simple aiguë se caractérise par des brûlures mictionnelles : brûlures ni avant, ni après, mais pendant la miction, par des envies fréquentes d’uriner (pollakiurie) ou par une pesanteur pelvienne, ou encore par du sang dans les urines. L’infection urinaire peut aussi parfois se manifester par des symptômes plus frustes, urines de couleur plus foncées, malodorantes ou une hématurie isolée. Il n’est pas nécessaire de pratiquer un ECBU face à une femme présentant des signes de cystite simple. Un examen par bandelettes urinaires à la recherche de leucocytes et de nitrites peut être effectué.

 

TLM : Quel traitement mettre en œuvre face à une cystite simple ?

Dr Audrey Pichon : Le traitement de première intention consiste en une antibiothérapie. Il repose initialement sur un sachet de fosfomycine en prise unique. Ce traitement est efficace en quelques heures, en l’absence de résistance. Si les symptômes persistent, il est possible de faire pratiquer un ECBU et d’adapter la prise en charge en fonction de l’antibiogramme. De manière générale, il faut choisir un antibiotique à spectre étroit. En cas d’échec de la fosfomycine, il est recommandé de privilégier le Selexid (un comprimé matin et soir pendant 5 jours) ou l’amoxicilline (un gramme trois fois par jour pendant 7 jours).

 

TLM : Que faire lorsque les patientes présentent des cystites à répétition ?

Dr Audrey Pichon : Il faut distinguer celles qui présentent des cystites plus de quatre fois par an et celles qui en souffrent plus d’une fois par mois. Dans le premier cas, sur le plan de la prévention, il faut proposer une prise en charge hygiéno-diététique et des traitements non médicamenteux. En cas de cystite survenant plus de 12 fois par an, la mise en place d’une antiobiothérapie prophylactique dite antibiocycle peut être proposée.

Enfin, la vaccination semble être prometteuse mais n’est actuellement pas disponible en France.

 

TLM : Quelles sont les mesures hygiéno-diététiques à mettre en œuvre ?

Dr Audrey Pichon : Il faut d’abord augmenter les apports hydriques en recommandant de boire entre 1,5 et 2 litres de liquide par jour et de veiller à bien les répartir tout au long de la journée. Je propose même à mes patientes de tenir un relevé des quantités d’eau absorbées et de l’heure et du volume des mictions en s’aidant d’un calendrier mictionnel. Il est important d’uriner au moins cinq fois par jour pour éviter la stagnation des urines dans la vessie.

Il est impératif d’uriner en position assise et de prendre son temps pour assurer une vidange la plus complète possible de la vessie. Il faut également lutter contre la constipation car, chez les patientes constipées, l’inoculum bactérien dans le tube digestif est plus important. Il est nécessaire aussi de s’essuyer de l’avant vers l’arrière après avoir été aux toilettes. Il est recommandé de ne pas faire plus d’une toilette par jour et d’utiliser un savon à pH neutre pour éviter d’altérer le microbiote. Enfin, très important, il est recommandé ne pas mettre de vêtements serrés, de porter des sous-vêtements en coton et d’uriner après les rapports sexuels. Il faut également lutter contre le stress, la fatigue qui sont des facteurs de risque de récidive.

 

TLM : Et quels traitements non médicamenteux proposer à ces femmes ?

Dr Audrey Pichon : Il existe en pharmacie plusieurs produits non médicamenteux contre les infections urinaires. Ils sont efficaces pour certaines femmes, mais pas pour toutes. Le plus connu est la canneberge. Pris régulièrement, à des doses suffisantes, avec des gélules dosées à 36 milligrammes de proanthocyanidines, ce dérivé peut avoir un effet favorable sur le risque de récidive. Autre produit disponible, le D-Mannose, à utiliser sous forme de sachets, soit en traitement de fond pour réduire la fréquence des récidives, soit lors d’une crise aiguë de cystite en traitement d’attaque pour éviter les antibiotiques.

Sont également disponibles d’autres produits comme DUAB contenant à la fois de la canneberge et du propolis, CANEPHRON, à base de plantes. Il est possible de recommander également des probiotiques qui visent à stimuler la flore vaginale pour augmenter les bactéries protectrices et réduire celles potentiellement pathogènes, mais également des probiotiques intestinaux.

 

TLM : Faut-il faire pratiquer un bilan systématique pour les femmes présentant des cystites à répétition ?

Dr Audrey Pichon : Oui. Pour celles souffrant de cystite tous les mois ou plus, il vaut mieux effectuer une échographie de l’appareil urinaire, notamment pour évaluer l’existence d’un éventuel résidu vésical après la miction et s’assurer de l’absence d’anomalie urinaire sous-jacente… La cystoscopie peut être éventuellement proposée et vise à s’assurer qu’il n’y ait pas de rétrécissement de l’urètre, par exemple, ou d’autres pathologies de l’appareil urinaire.

 

TLM : Quels traitements au long cours faut-il envisager pour les femmes présentant des cystites plus de 12 fois par an ?

Dr Audrey Pichon : L’antibiocycle, c’est la prescription d’antibiotiques de manière régulière et cyclique pendant six mois environ, voire plus. Pour les femmes présentant des cystites uniquement après les rapports sexuels, une prescription d’antibiotiques à prendre dans les deux heures avant ou les deux heures après les rapports sexuels peut être proposée. Dans les autres cas, il est possible d’analyser plusieurs ECBU pour une patiente donnée afin de connaître le germe récurrent le plus souvent en cause et l’antibiotique auquel il est le plus sensible. Plusieurs schémas thérapeutiques peuvent être envisagés, parfois en alternant les médicaments.

 

TLM : La prise en charge des cystites des femmes enceintes et des femmes ménopausées est-elle spécifique ?

Dr Audrey Pichon : Les femmes enceintes souffrant de cystite doivent faire un ECBU systématique et être traitées rapidement, du fait du risque accru de menace d’accouchement prématuré. Par ailleurs, un ECBU sera effectué à l’issue du traitement et chaque mois jusqu’au terme de la grossesse pour dépister et éventuellement traiter une bactériurie asymptomatique. Quant aux femmes ménopausées, outre la prise en charge des cystites aiguës, il est recommandé de leur proposer un traitement hormonal local par voie vaginale pour améliorer la trophicité des tissus et réduire la fréquence des infections.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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