• Dr Ariane Nemni : Savoir traiter la rhinite allergique

Ariane Nemni

Discipline : Allergologie

Date : 18/04/2023


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Diagnostic, tests de confirmation, prise en charge thérapeutique, traitements de la rhinite allergique… Le Dr Ariane Nemni, chef du service d’Allergologie de l’hôpital RobertBallanger à Aulnay-sous-Bois, répond à toutes les interrogations.

 

TLM : La rhinite allergique est-elle vraiment une pathologie en augmentation ?

Dr Ariane Nemni : La fréquence de la rhinite allergique n’a fait qu’augmenter entre les années 60 et aujourd’hui passant d’une prévalence de 4% à 20-25% de la population. Par ailleurs, entre 15 et 20% des patients présentant une rhinite allergique souffrent d’une forme sévère. Les adultes jeunes sont les plus touchés, sachant que la maladie peut régresser avec l’âge. Ces rhinites allergiques sont rares chez le nourrisson, mais peuvent survenir dès l’âge de deux-trois ans, parfois dans un contexte atopique avec dermatite atopique, asthme, allergie alimentaire.

 

TLM : Comment expliquer une telle évolution ?

Dr Ariane Nemni : L’exposition aux allergènes a augmenté. La pollution atmosphérique joue un rôle majeur dans le développement de ces rhinites, en augmentant le caractère allergisant des pollens par exemple. On vit aussi de plus en plus à l’intérieur des maisons, or celles-ci sont de moins en moins aérées, ce qui fait exploser le développement des acariens. Actuellement la moitié des rhinites allergiques sont dues aux acariens, une grande partie sont liées aux pollens. Celles liées aux poils d’animaux ou aux moisissures sont moins fréquentes. Près de 80% de nos patients présentent des polysensibilisations, c’est-à-dire sont sensibles à plusieurs allergènes.

 

TLM : Comment pose-t-on le diagnostic de rhinite allergique ?

Dr Ariane Nemni : Le diagnostic est avant tout clinique. Rhinorrhée, congestion nasale, obstruction nasale, éternuements, démangeaisons du nez, parfois des oreilles, conjonctivite sont les principaux symptômes. Il faut cependant éliminer les diagnostics différentiels, (rhino-sinusite chronique en cas d’écoulement nasal purulent, rhinite vasomotrice, rhinite hormonale…).

Par ailleurs, l’asthme touche 30% des patients souffrant d’une rhinite allergique, il faut donc le rechercher systématiquement. L’interrogatoire vise aussi à identifier l’allergène responsable de cette rhinite. Si le patient possède un chien ou un chat et que les symptômes s’exacerbent en sa présence, il s’agit sans doute une allergie aux poils d’animaux. Si cette allergie se produit à des périodes précises de l’année par exemple entre mars et avril, cela évoque une allergie aux pollens d’arbres et si elle survient entre mai et juin les pollens de graminées seront incriminés. Les rhinites perannuelles ou lors des séjours dans des vieilles maisons de campagne font évoquer une allergie aux acariens. Il faut rechercher l’impact de cette rhinite allergique sur la qualité de vie pour évaluer sa gravité. La rhinorrhée et l’obstruction nasale entraînent des micro-réveils nocturnes avec une fatigue diurne qui perturbe les activités du patient. Il faut évaluer les conséquences de cette allergie sur le sommeil, sur les activités sportives, sur le travail, sur les performances scolaires. En fonction de ces répercussions, la rhinite sera qualifiée de légère, modérée ou sévère.

 

TLM : Faut-il faire pratiquer des tests de confirmation ?

Dr Ariane Nemni : En face d’un patient souffrant de rhinite allergique, les tests cutanés sont effectués de manière systématique. Pour ces tests, un panel d’extraits d’allergènes standardisés est utilisé, pollens, acariens, moisissures…

Avec une pipette, ces différents allergènes sont déposés sur la peau au niveau des avant-bras, une micropuncture est réalisée et 15 minutes plus tard, le diamètre des éventuelles papules apparues est mesuré. Habituellement une papule de plus de trois millimètres de diamètre par rapport au témoin négatif permet d’identifier la positivité à un allergène. Ces prick-tests sont fiables, non douloureux. Le bilan peut être complété par des dosages sanguins d’IgE spécifiques.

 

TLM : Quelle prise en charge thérapeutique préconisez-vous ?

Dr Ariane Nemni : La première des choses est de mettre en place des stratégies d’évitement des allergènes impliqués, quand cela est possible. Pour les patients allergiques aux poils de chat ou de chien, il faut tout faire pour que le patient ne soit plus en contact avec ces animaux. S’il s’agit d’une allergie aux acariens, il faut essayer de les éliminer au maximum, par l’usage d’un matelas antiacariens, par un changement de draps lavés à 60 degrés toutes les semaines, par une diminution de l’humidité et de la température…S’il est difficile d’éliminer les acariens, le simple fait de les réduire permet parfois d’améliorer le patient.

 

TLM : Quels médicaments symptomatiques prescrire ?

Dr Ariane Nemni : Le premier traitement est symptomatique. Il peut être pris à la demande pour les formes légères ou modérées ou en continu en cas d’atteinte sévère. Il repose sur des anti-histaminiques de nouvelle génération par voie orale. Des corticoïdes locaux y sont en général associés. Certaines associations anti-histaminiques-corticoïdes sous forme de spray nasaux existent également et sont efficaces. Cette prise en charge symptomatique permet en général un bon contrôle de la maladie. Il faut, en revanche, éviter les corticoïdes par voie orale, du fait de leurs effets secondaires importants, ainsi que les vasoconstricteurs dont l’usage est souvent suivi d’un effet rebond.

 

TLM : Quand faut-il envisager une immunothérapie allergénique ?

Dr Ariane Nemni : Ce traitement de fond est envisagé une fois que l’on a mis en place un traitement symptomatique. Cette immunothérapie peut être mise en œuvre dès que l’allergène en cause a été identifié, pour les patients souffrant d’une forme modérée ou sévère persistante. Elle permet de guérir 80% des patients et, surtout, ce traitement prévient l’apparition d’un asthme. En cas de rhinite légère, nécessitant des traitements intermittents, cette immunothérapie n’est pas nécessaire. Le traitement repose sur des extraits d’allergènes à utiliser par voie sublinguale, soit sous forme de gouttes soit sous forme de comprimés. Ces extraits vont, petit à petit, rendre le patient tolérant à l’allergène en cause. Cette immunothérapie est bien tolérée, avec parfois des symptômes locaux sans gravité que le patient doit connaître, grâce à des séances d’éducation thérapeutique. Le traitement est mis en place pour une durée de trois ans. L’amélioration des symptômes se fait sentir dès les premiers mois. En cas de non amélioration, ce traitement devra être arrêté.

Propos recueillis

par le Dr Martine Raynal

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