• Dr Antoine Faix : Traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate et troubles sexuels

Antoine Faix

Discipline : Uro-Néphrologie

Date : 10/01/2024


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Mictions fréquentes, réveils nocturnes, difficultés à uriner, altérant la qualité de vie et la vie sociale : après 60 ans, assure le Dr Antoine Faix, urologue, vice-président de l’Association française d’urologie, entre 30 et 40 % des hommes souffrent de ces symptômes et pourraient bénéficier d’un traitement…

 

TLM : L’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) concerne-t-elle une majorité d’hommes à partir d’un certain âge ?

Dr Antoine Faix : L’hypertrophie bénigne de la prostate est un trouble qui touche une proportion importante d’hommes. A partir de la soixantaine, la grande majorité d’entre eux est gênée à des degrés divers. Certains peuvent d’ailleurs commencer à ressentir les premiers symptômes d’une HBP dès 45-50 ans. Si peu d’hommes échappent à cette gêne, on peut considérer qu’entre 30 et 40 % d’entre eux après 60 ans pourraient bénéficier d’un traitement. Ils souffrent de symptômes, mictions fréquentes, réveils nocturnes, difficultés à uriner, qui altèrent la qualité de vie et en particulier la vie sociale.

 

TLM : Existe-t-il des risques à long terme liés à l’HBP ?

Dr Antoine Faix : En dehors, de la gêne dans la vie quotidienne et sociale, lorsque les patients ont un jet d’urine très faible, cette dysurie peut finir par altérer progressivement la vessie, voire dégrader la fonction rénale. La vessie s’épuise à la longue parce que le patient est obligé de « forcer » pour la vider. Les fibres musculaires se distendent, la vessie se fatigue. On parle alors d’une « vessie de lutte ». Au pire, la vessie peut ne pas récupérer des fonctions normales, y compris après le traitement. Par ailleurs, les patients souffrant d’une hypertrophie bénigne de la prostate sont plus à risque que d’autres de présenter des dysfonctions érectiles et des difficultés éjaculatoires.

 

TLM : Faut-il faire des examens complémentaires en cas d’HBP ?

Dr Antoine Faix : Le diagnostic est clinique. Mais il faut éliminer certains diagnostics différentiels, infection urinaire, calculs, cancer de la prostate, tumeur de la vessie,… On pourra prescrire un ECBU, un dosage de PSA, une échographie, un bilan de la fonction rénale…

 

TLM : Quelle est la prise en charge des patients souffrant d’hypertrophie bénigne de la prostate ?

Dr Antoine Faix : Une fois le diagnostic établi, ce qui n’est pas très difficile, des règles d’hygiène de vie doivent d’abord être expliquées au patient. Il faut recommander de boire suffisamment et régulièrement, en moins grande quantité le soir. Il faut recommander de bien vider la vessie lors des mictions. Ensuite, en fonction de la gêne, des traitements médicaux pourront d’abord être proposés. Il existe quatre classes thérapeutiques destinées à la prise en charge de l’HBP, la phytothérapie, les alpha-bloquants, les inhibiteurs de la 5 alpha réductase et les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (Tadalafil).

 

TLM : Quelle prise en charge pour les patients qui, outre l’hypertrophie bénigne de la prostate, présentent une dysfonction érectile ?

Dr Antoine Faix : Quand des patients consultent pour des symptômes évocateurs d’une hypertrophie bénigne de la prostate, nous les interrogeons bien sûr sur leurs troubles urinaires et systématiquement sur leurs éventuelles difficultés sexuelles. Ce qui permet d’orienter le choix thérapeutique. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 sont le traitement de choix pour des patients souffrant à la fois d’hypertrophie bénigne de la prostate et de dysfonctions érectiles ou de difficultés d’éjaculation.

Ces médicaments permettent d’améliorer la fonction sexuelle, tout en réduisant les symptômes urinaires de l’HBP. Ils sont bien tolérés et n’ont pas d’effets secondaires, ils soulagent les signes urinaires, améliorent la puissance du jet, réduisent la fréquence des mictions et améliorent les troubles de l’érection et de l’éjaculation.

 

TLM : Et en l’absence de troubles sexuels comment choisir l’une ou l’autre classe thérapeutique ?

Dr Antoine Faix : A priori, en première intention, en l’absence de dysfonction érectile, il est possible de commencer par proposer un traitement à base de phytothérapie, lorsque les patients présentent une gêne mineure. En cas de dysurie importante, on peut envisager de prescrire d’emblée des alpha-bloquants. Ils peuvent cependant induire des troubles de l’éjaculation. Les médicaments basés sur les inhibiteurs de la 5 alpha-réductase ne doivent être utilisés eux qu’en seconde intention, du fait d’une inconnue actuelle sur un risque potentiel accru de cancer agressif de la prostate et des troubles sexuels fréquents. Ces différentes classes thérapeutiques agissent par plusieurs biais, notamment en relaxant les fibres musculaires lisses de la prostate, en ayant un effet décompressif sur les voies urinaires…

 

TLM : S’agit-il de traitements chroniques ? A prendre à vie ?

Dr Antoine Faix : A priori, les patients doivent prendre ce traitement à vie. L’évolution de l’hypertrophie bénigne de la prostate est variable d’un homme à l’autre. Chez certains, la maladie évolue peu ou pas. Chez d’autres, elle peut s’aggraver avec apparition d’une « vessie de lutte ». Certains arrêtent le traitement au bout de quelques mois sans problème. D’autres au contraire récidivent rapidement à l’arrêt des médicaments et vont prendre le traitement de façon continue. En cas de gêne urinaire majeure non contrôlée par les médicaments, la chirurgie peut être proposée. Deux types d’intervention existent, soit une résection transurétrale de la prostate, soit une adénomectomie, c’est-à-dire une ablation de l’adénome de la prostate. Mais sont apparues plus récemment des techniques moins invasives, notamment par technologie Laser.

 

TLM : Par exemple ?

Dr Antoine Faix : Une technique relativement nouvelle, l’urolift, vise à entourer la prostate d’une sorte de « grillage » qui comprime la prostate et facilite le passage de l’urine dans les voies urinaires. Une autre stratégie, le Rezum consiste à envoyer de la vapeur d’eau chauffée à 100 degrés par voie endoscopique sur la prostate pour la faire « fondre » ou tout au moins pour détruire les cellules de la prostate en excès. La résection transurétrale peut également être faîte par laser. En cas de prostate très volumineuse, des techniques robotiques ont été développées. Ces interventions, comme toutes interventions, peuvent avoir des effets secondaires et des complications, en particulier sexuelles. La chirurgie mini-invasive ou plus classique est en général programmée lorsque les traitements médicaux ne suffisent plus, pour des patients encore jeunes que l’on ne peut pas laisser toute la vie durant avec des couches-culottes…

Propos recueillis

par le Dr Clémence Weill

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