• Dr Anne-Laurence Le Faou : Sevrage tabagique : L’accompagnement est primordial !

Anne-Laurence Le Faou

Discipline : Cardiologie

Date : 18/04/2023


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Les professionnels de santé, notamment les médecins généralistes, ont un rôle essentiel à jouer dans le sevrage tabagique, en adoptant une posture à la fois pédagogue et bienveillante. Les explications du Dr Anne-Laurence Le Faou, présidente de la Société francophone de tabacologie (SFT) et addictologue à l’Hôpital Européen Georges-Pompidou (Paris).

 

TLM : Quels sont les chiffres du tabagisme en France ?

Dr Anne-Laurence Le Faou : En 2021, 32 % des Français fumaient, dont 25 % quotidiennement avec une nouvelle augmentation des fumeurs. Le tabac est la première cause de mortalité évitable en France et la première cause de cancer avec un cancer sur trois lié à sa consommation : cancer du poumon mais aussi du larynx, de la bouche, de la vessie, des reins… Le tabagisme est également à l’origine de maladies cardiovasculaires et de maladies pneumologiques. Ainsi, 80% des infarctus chez les personnes jeunes sont liés au tabac. Une cigarette c’est 4 500 produits toxiques dans un bâtonnet !

Les risques pour la santé, liés à la consommation de tabac sont associés non seulement au nombre de cigarettes quotidiennes, mais surtout à la durée d’exposition. Plus on fume depuis longtemps, plus on a débuté jeune, plus il devient difficile d’arrêter… avec des risques croissants pour la santé.

 

TLM : Au regard de tous ces risques sur la santé, pourquoi n’y a-t-il pas davantage de personnes qui arrêtent de fumer ?

Dr Anne-Laurence Le Faou : Parce que c’est difficile ! La dépendance au tabac est physique. Quand une personne se met à fumer, la nicotine inhalée passe par la circulation sanguine pour atteindre en quelques secondes le cerveau. Cet alcaloïde se fixe ensuite sur les neurones pour libérer notamment de la dopamine, neurotransmetteur qui génère du plaisir. La dépendance est aussi psychique : les personnes stressées pensent qu’elles ne peuvent pas arrêter de fumer tant qu’elles ont des problèmes, alors qu’en réalité, le stress diminue après l’arrêt du tabac. Fumer est aussi souvent un geste réflexe, à l’origine d’une dépendance comportementale.

 

TLM : Quelle est la solution alors ?

Dr Anne-Laurence Le Faou : Il n’y a pas de solution miracle, mais l’accompagnement personnalisé est primordial. Le sevrage tabagique sans suivi peut entraîner des symptômes gênants au quotidien : anxiété, humeur dépressive, troubles de la concentration, irritabilité et troubles du sommeil. Ce qui fait que sans accompagnement, 95% des fumeurs ne parviennent pas à rester non-fumeurs au terme d’un an. Il existe pourtant des moyens de réduire ces symptômes de manque. Depuis 2019, les substituts nicotiniques, qui existent sous forme de patchs, de gommes à mâcher, de sprays buccaux, de comprimés…, sont remboursés (www.ameli.fr/sites/default/files/Documents/Listesubstituts-nicotiniques_assurance-maladie_2022-10-18.DPROD_v2.pdf). Les médecins ne doivent pas hésiter à les prescrire en associant patch et forme buccale nicotiniques pour aider les patients (une cigarette égale un mg de nicotine et une forme orale pour les pulsions à fumer).

 

TLM : Comment faire diminuer le tabagisme ?

Dr Anne-Laurence Le Faou : Outre les mesures générales de lutte contre le tabac, Il serait très important que le médecin demande à son patient où il en est de sa consommation de tabac, sans porter de jugement, inciter celui-ci à tenter l’arrêt avec traitement et suivi, en fixant des objectifs acceptables et réalisables. La moitié des personnes qui tentent un sevrage tabagique sans aide reprennent dans un délai d’une semaine. Celles qui parviennent à s’arrêter un mois ont cinq fois plus de chances d’être toujours en arrêt un an plus tard. Je conseille aux médecins de préparer des ordonnances des différents substituts remboursés et de les prescrire aux fumeurs tout en leur fixant un rendez-vous rapide dans la semaine et en communiquant le numéro de Tabac Info Service, le 39 89. Si le patient présente une forte addiction nicotinique, car il allume sa première cigarette dès le réveil et consomme plus d’un paquet par jour, il est utile de demander un avis ponctuel à un addictologue.

 

TLM : Que pensez des thérapies alternatives comme l’acupuncture ou l’auriculothérapie ?

Dr Anne-Laurence Le Faou : L’analyse des études testant l’efficacité de ces thérapies dans le sevrage tabagique n’a pas été concluante. En revanche, elles incitent le patient à prendre soin de lui, à s’accorder du temps pour parvenir à l’arrêt, ce qui peut être important pour lui.

 

TLM : Qu’en est-il de la cigarette électronique ?

Dr Anne-Laurence Le Faou : Il n’existe pas de recommandations en faveur de la cigarette électronique comme outil d’aide au sevrage. Il ne s’agit pas d’un médicament mais certaines personnes l’utilisent avec succès. En 2022, la pratique du vapotage a augmenté en France ainsi que le vapofumage qui ne réduit pas le risque lié à ces consommations doubles.

Le site de l’Anses1 indique la situation des produits du vapotage vis-àvis de la réglementation.

 

TLM : Que pensez-vous des opérations telles que le Mois sans tabac ?

Dr Anne-Laurence Le Faou : Pour qu’une personne arrête de fumer, il faut qu’elle soit systématiquement encouragée positivement à le faire à chaque contact avec un professionnel de santé. L’opération Mois sans tabac permet de bénéficier d’un coup de pouce pour se lancer, de disposer d’outils, d’intégrer son défi individuel à une démarche collective. En 2022, 120 000 Français s’y sont inscrits.

Propos recueillis

par Solène Penhoat

1. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail : www.anses.fr/fr/content/produits-du-vapotage

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