• Dr Andreas Werner : Les nouveautés du calendrier vaccinal

Andreas Werner

Discipline : Pédiatrie

Date : 10/01/2024


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Les vaccins contre le méningocoque B et le rotavirus sont, depuis 2023, recommandés pour tous les nourrissons. Une avancée que salue le Dr Andreas Werner, président de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA), mais qui n’a pas provoqué l’effet escompté : les taux de couverture vaccinale restent largement insuffisants, comme souvent quand les vaccinations ne sont pas obligatoires...

 

TLM : Quels sont les maladies contre lesquelles il est obligatoire de vacciner les enfants ?

Dr Andreas Werner : On en dénombre onze : la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, la coqueluche, l’Haemophilus influenzae de type B (HiB), l’hépatite B, la rougeole, les oreillons, la rubéole, les infections invasives à méningocoque C et les infections à pneumocoques. L’obligation vaccinale n’est que temporaire, elle persistera tant qu’existera le risque d’une couverture vaccinale insuffisante.

Leur nombre peut donc évoluer.

 

TLM : Quelles étaient les nouveautés du calendrier vaccinal en 2023 ?

Dr Andreas Werner : Deux nouvelles recommandations ont été introduites : sont désormais recommandées la vaccination contre le méningocoque du sérogroupe B, avec deux injections à 3 et 5 mois, puis un rappel à 12 mois, et la vaccination contre le rotavirus (deux ou trois injections entre 6 semaines et 6 mois selon le vaccin).

 

TLM : Qu’est-ce qui a conduit les autorités sanitaires à prendre cette décision ?

Dr Andreas Werner : Le méningocoque de type B est le germe le plus fréquemment impliqué dans les infections invasives à méningocoques, il représente environ les deux tiers des cas. On observe un premier pic avant 2-3 ans, puis un second à l’adolescence, vers 15-16 ans. La décision de recommander et de rembourser le vaccin contre ce méningocoque chez les nourrissons repose sur le constat que la pauvreté augmente le risque de décès lié aux méningites et aux septicémies dues à ce méningocoque. En France, on recense entre 400 et 500 infections chez l’enfant par an, même si ce chiffre est très variable selon les années. Ce sont 400 à 500 décès de trop alors que l’on sait les prévenir. Et si le taux de mortalité n’est « que » de 10 à 15 %, le taux de handicap atteint quant à lui 30 à 40 %.

 

TLM : Cette recommandation a-t-elle été suivie d’effet ?

Dr Andreas Werner : La couverture vaccinale actuelle atteint tout juste les 40-50 %, ce qui reste faible.

 

TLM : Pourquoi ne pas le rendre obligatoire ?

Dr Andreas Werner : Si l’on prend l’exemple du méningocoque de type C, on peut en effet s’interroger. Jusqu’en 2018, ce méningocoque était le deuxième méningocoque en termes de responsabilité dans les IIM ; mais la décision de rendre obligatoire la vaccination contre ce germe, en faisant grimper la couverture vaccinale à 95 %, a fait chuter la prévalence des infections associées. Les politiques actuelles ne tendent cependant pas vers l’obligation vaccinale. À tort ? Selon une enquête menée auprès des parents, 10 % d’entre eux ne feraient aucun vaccin à leur enfant s’ils n’y étaient pas obligés. Or, en rendant obligatoire certaines vaccinations en 2018, l’État avait envoyé un message clair sur leur intérêt à titre individuel et collectif.

 

TLM : Et concernant la vaccination contre le rotavirus ?

Dr Andreas Werner : Elle était recommandée il y a quelques années mais deux décès par invagination intestinale aiguë (dont le lien causal avec le vaccin est contestable) ont conduit au retrait de cette recommandation. Depuis, de nombreuses données ont montré que la vaccination après une courte période d’augmentation du risque (environ quatre semaines après la première dose) réduisait, au contraire, ce type de complication. Cette vaccination par voie orale est donc, comme dans la majorité des pays européens, de nouveau recommandée pour tous les bébés depuis juin 2022. Mais là encore, le taux de couverture vaccinale est très en-deçà des attentes, atteignant à peine 20-25 %. Pourtant, cette vaccination est loin d’être une vaccination de confort. Jusqu’à 3 ans, elle protège les bébés contre les formes les plus graves de gastroentérite et évite ainsi des hospitalisations et des décès. Il faut dire aux parents que ce vaccin peut éviter à leur bébé de passer une semaine à l’hôpital sous perfusion ; c’est important qu’ils comprennent en quoi il le protège.

 

TLM : Quelles sont vos attentes concernant le prochain calendrier vaccinal ?

Dr Andreas Werner : L’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA) que je préside aimerait que soit conseillée et remboursée la vaccination contre tous les types de méningocoques, en particulier la vaccination tétravalente (sérogroupes ACWY) chez les adolescents. Les sérogroupes W et Y représentent chacune 15 % des IIM en 2023 et leur prévalence est en hausse. Or, le diagnostic de ces infections reste difficile à poser, elles se présentent souvent comme de simples gastros, mais elles peuvent évoluer de façon fulminante en quelques heures. Une étude a montré que 30 % des personnes hospitalisées pour des infections causées par ces bactéries avaient été renvoyées chez elles les jours précédents après une consultation médicale... Le Comité technique de la vaccination (CTV) est en train d’évaluer l’interêt et le rapport coût/bénéfice d’une telle mesure, puis la Haute Autorité de santé prendra une décision au printemps, lors de la mise à jour du nouveau calendrier vaccinal. Il serait également souhaitable d’évaluer de nouveau l’interêt de la vaccination contre la varicelle, comme c’est le cas dans la majorité des pays d’Europe.

Considérée comme maladie infantile « banale », on oublie trop souvent que cette maladie est un facteur de risque majeur d’infections invasives graves à streptocoques et qu’elle provoque chaque année des décès. Là encore, il faut en parler aux parents et leur rappeler les conséquences que la varicelle de leur enfant peut avoir sur leur travail, les journées de carence non payées, etc.

 

TLM : Qu’en est-il de la vaccination contre le papillomavirus ?

Dr Andreas Werner : La couverture vaccinale en France est un désastre ! Moins de 10 % des garçons et 50 % des filles sont vaccinés. On espère que la possibilité de se faire vacciner au sein des établissements scolaires va changer la donne.

 

TLM : Quels conseils donneriez-vous aux médecins généralistes qui ont dans leur patientèle des parents de jeunes enfants ?

Dr Andreas Werner : Je leur dirais de rester scientifiques, d’appliquer le calendrier vaccinal, mais de ne pas oublier leur devoir d’information à l’égard des autres moyens de prévention contre les maladies infectieuses, en particulier les vaccins. Beaucoup de Français objectent que l’on vaccine contre de plus en plus de maladies, c’est vrai et c’est d’ailleurs un progrès dont on devrait tous se réjouir. Cependant on le fait maintenant avec des produits contenant beaucoup moins d’antigènes, ce qui a pour effet d’entraîner moins d’effets indésirables. Quelle que soit sa position personnelle à l’égard de tel ou tel vaccin, tout professionnel de santé se doit de délivrer une information fiable et objective.

Propos recueillis

par Charlotte Montaret

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