• Dr Alexis Mosca : Quel impact sur le microbiote pour le nourrisson né par césarienne ?

Alexis Mosca

Discipline : Pédiatrie

Date : 23/10/2023


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Véritable écosystème intestinal, le microbiote d’enfants nés par césarienne est différent de celui des enfants nés par voie basse. Le mode d’accouchement influencerait donc les conditions de colonisation de ce dernier. Les explications du Dr Alexis Mosca, pédiatre en service de Gastroentérologie et Nutrition pédiatrique de l’hôpital RobertDebré (APHP) à Paris.

 

TLM : La naissance par césarienne constitue-t-elle un facteur de déséquilibre du microbiote intestinal chez le jeune enfant ?

Dr Alexis Mosca : La réponse est oui par définition, dans le sens où nous considérons que le microbiote « normal » est celui d’un nourrisson né par voie basse. Le microbiote intestinal des enfants nés par césarienne diffère dans le sens où il est plus proche de la peau de la mère que de celui de son périnée (vagin ou rectum).

 

TLM : Comment se caractérise ce déséquilibre ? Différentes populations bactériennes sont-elles impactées ? Enfin, quelle est la durée ce déséquilibre ?

Dr Alexis Mosca : Par voie basse, les bactéries du genre Bifidobacterium seraient plus diversifiées dans le tractus digestif. Par césarienne, la diversité microbienne serait altérée avec notamment une quantité moindre de bactéries issues de la famille des Bacteroidetes. Quant à la durée de ce déséquilibre, le microbiote d’enfants nés par césarienne et celui d’enfants nés par voie basse redeviennent similaires au bout de quelques mois, voire quelques semaines.

 

TLM : Ce déséquilibre du microbiote intestinal a-t-il un impact sur la santé du nourrisson ? Une augmentation du risque d’infections ou de manifestations allergiques a-t-elle été observée ?

Dr Alexis Mosca : Les résultats de larges études de cohorte ont pu montrer que la naissance par césarienne est associée à une augmentation du risque de développer un certain nombre de maladies chroniques, surtout d’ordre immunitaire comme l’asthme, des allergies ou encore des maladies inflammatoires digestives ou articulaires. Il y a ici plusieurs facteurs confondants et il en va de même sur le fait de savoir si c’est bien par l’anomalie du microbiote que se programme cette augmentation du risque. Par ailleurs, une antibioprophylaxie précédant la plupart des césariennes, on peut imaginer que des antibiotiques puissent passer au moment de l’incision. On voit bien que la voie d’accouchement n’est pas le seul facteur qui joue sur la composition du microbiote intestinal.

 

TLM : Comment prendre en charge ce déséquilibre ? Peut-on intervenir chez la mère pendant la grossesse, en salle de naissance ou encore pendant l’allaitement ?

Dr Alexis Mosca : Il n’est pas possible de prévenir un quelconque risque de cet ordre pendant la grossesse car on ne sait pas toujours à l’avance si l’enfant va naître par césarienne. En revanche, en salle de naissance, certaines équipes ont proposé le réensemencement du bébé né par césarienne (programmée uniquement) par des souches bactériennes provenant du vagin ou des selles de la mère.

On dépose une compresse dans le vagin de la mère une heure avant la césarienne, pour ensuite badigeonner le nouveau-né.

Après l’accouchement, le deuxième facteur qui influence la composition du microbiote du nouveau-né est la façon dont il va être alimenté. Encore une fois, par le biais d’un axiome, on considère que c’est l’enfant allaité qui présente le microbiote « normal ». Les enfants nourris au biberon ont un microbiote moins riche en bifidobactéries, ce qui peut éventuellement être corrigé par l’ajout de probiotiques dans des préparations pour nourrissons.

 

TLM : Peut-on intervenir chez le nourrisson ?

Si oui, quelles sont les approches envisageables ? Quels conseils donneriez-vous ?

Dr Alexis Mosca : A ce stade, nous possédons un faisceau d’arguments pour penser qu’il serait intéressant de corriger le tir d’implantation du microbiote d’un nourrisson né par césarienne, mais aujourd’hui les moyens dont nous disposons — que ce soit par l’alimentation, l’ajout de probiotiques, de synbiotiques, de postbiotiques, ou par des techniques d’ensemencement ou même de transplantation fécale, comme l’ont publié les Finlandais — ne constituent pas encore des solutions validées.

 

TLM : Que pensez-vous des probiotiques vendus en officine ? Peut-on les utiliser pour corriger cette dysbiose ? Quelles précautions prendre ?

Dr Alexis Mosca : Pour pouvoir être utilisée, une souche probiotique doit au préalable avoir été validée par au moins une étude clinique et présenter un effet positif sur la santé de l’enfant. Ce n’est pas encore le cas actuellement.

Les probiotiques vendus en officine ne répondent pas à cette définition et sont très souvent incorporés dans des compléments alimentaires qui n’ont pas la même réglementation que le médicament !

Propos recueillis

par Anya Leyrahoux

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