• Dr ABRAMOWITZ : Le traitement de la constipation repose sur les règles d'hygiène

Laurent ABRAMOWITZ

Discipline : Gastro-entérologie, Hépatologie

Date : 05/05/2020


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TLM : La constipation est-elle un trouble fréquent ?

Dr Laurent Abramowitz : Si l’on considère la constipation au sens large, meilleur reflet de la réalité que sa stricte définition selon les critères de ROME 3, on atteint sûrement 20 à 30 % de la population française. Les femmes sont plus touchées que les hommes, et la prévalence augmente avec l’âge. La grossesse et l’accouchement consti- tuent deux facteurs de risque bien connus de la constipation puisqu’on estime que 20 % des femmes enceintes sont touchées, et 30 % après l’accouchement.

TLM : Quelles sont les répercussions de la constipation sur la qualité de vie ?
Dr Laurent Abramowitz :
Pour certains, le re- tentissement sur la qualité de vie est compa- rable à celui des pathologies sévères. Les pa- tients se plaignent de douleurs abdomi- nales, de ballonnements, ils souffrent d’un véritable inconfort. Sans parler des consé- quences de ce trouble, elles aussi très impor- tantes : la constipation terminale (ou d’éva- cuation), est en effet la première cause des pathologies de l’anus, principalement les hémorroïdes et les fissures anales.

TLM : Comment lutter contre ce trouble ? Dr Laurent Abramowitz : Manger des fi- bres, bien s’hydrater et rester actif sont les premières mesures à prendre. Et, contraire- ment aux idées reçues, les aliments les plus riches en fibres ne sont pas les légumes et les fruits frais, qui n’en contiennent que 2 à 7 %, mais les légumes et les fruits secs (pois chiches, soja, pruneaux, abricots secs), dont la teneur varie entre 15 et 25 %.

Le riz, les pâtes et les pommes de terre en sont pratiquement dépourvus (1 %).
TLM : Quelles sont les portions recomman- dées ?

Dr Laurent Abramowitz : Les portions doi- vent être adaptées à la consistance des selles. Tant que celles-ci ressemblent à des « crottes debique»ouàun«boudindur»,c’estque les apports en fibres sont insuffisants. L’ob- jectif est de consommer suffisamment de fi- bres pour obtenir des selles qui aient la consistance et l’aspect d’un « boudin mou ». TLM : L’hydratation participe à la lutte contre la constipation. Mais toutes les eaux se valent-elles ?

Dr Laurent Abramowitz : Quelques études ont montré que les eaux riches en magné- sium, notamment Hépar qui est la plus riche d’entre toutes, sont bénéfiques. Leur consommation a une double action : elle augmente l’hydratation et apporte du ma- gnésium, dont l’efficacité sur le transit est désormais démontrée.

TLM : Les laxatifs sont-ils efficaces ?
Dr Laurent Abramowitz :
Il existe plusieurs catégories de laxatifs, qui correspondent à plusieurs niveaux de traitement. Les muci- lages, qui sont l’équivalent de fibres en

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synthétique, constituent le premier palier. Ils sont indiqués en cas de petite constipa- tion. En revanche, les personnes qui ne vont pas à la selle tous les 2 à 3 jours doivent se tourner vers les laxatifs osmotiques. Ces mé- dicaments sont dose-dépendants, c’est-à- dire que leur dose doit être augmentée jusqu’à ce que les selles atteignent la consistance souhaitée. Malheureusement, malgré leur efficacité, ces traitements res- tent boudés par certains patients.

TLM : Le recours aux lubrifiants pour faci- liter l’évacuation, est-ce une bonne idée ? Dr Laurent Abramowitz : Les lubrifiants pré- sentent deux inconvénients : le premier, avéré, est qu’ils génèrent des selles grasses, difficiles à essuyer ; le second, théorique, est qu’ils provoquent une baisse de l’ab- sorption des vitamines liposolubles (A, D, E, K) —mais cela n’a jamais été démontré. A utiliser en cure de courte durée.

TLM : La chirurgie a-t-elle sa place ?
Dr Laurent Abramowitz :
Les interventions au niveau du côlon doivent rester une excep- tion. Leur seule indication : l’inertie colique. Les patients atteints de cette maladie neuro- musculaire peuvent ne pas aller à la selle pendant 3 semaines —mais cela représente un cas extrême. L’autre indication où une in- tervention chirurgicale peut être envisagée, c’est le rectocèle, mais uniquement si la pa- tiente est obligée d’effectuer des manipula- tions manuelles pour déféquer et si le traite- ment médical s’est avéré inefficace.
TLM : Vos derniers conseils à l’intention des patients ?
Dr Laurent Abramowitz :
J’en donnerais trois : aller à la selle dès que l’envie se fait sentir ; éviter de pousser trop fort pour éva- cuer, au risque de provoquer des maladies de l’anus ; utiliser un repose-pied pour améliorer l’ouverture de l’anus en cas de difficultés à exonérer. Il est aussi possible d’utiliser des suppositoires exonérant en cas de difficulté d’évacuation.

Propos recueillis par Amélie Pelletier & Elvis Journo

 

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