• Dr. ABOYANS : Dyslipidémies : Les messages clés de l’ESC 2019

Victor ABOYANS

Discipline : Cardiologie

Date : 19/10/2020


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TLM : Quel a été l’esprit de ces recommandations ?
Pr Victor Aboyans :
Un des principes majeurs a été de considérer que l’on ne traite pas simplement le taux de cholestérol d’un patient, mais son risque cardio-vasculaire (CV) global. Raison pour laquelle les recommandations 2019 de l’ESC se démarquent des précédentes en assignant un double objectif thérapeutique chez les patients qualifiés à « Haut risque » et « Très Haut risque », selon la classification habituelle : pour ces patients, il faut atteindre non seulement un objectif cible de LDL-c déterminé en fonction de leur risque CV ET aussi une réduction de leur taux initial de LDL-c de 50 % (voir tableau ci-dessous).

Ces cibles thérapeutiques revues à la baisse ont suscité un certain émoi lors de leur publication, mais elles sont fondées sur des méta-analyses de l’ensemble des essais thérapeutiques : « le plus bas est le mieux». D’autant que, aujourd’hui, nous disposons de l’arsenal thérapeutique pour ce faire. Dans ma pratique de cardiologue orienté « Prévention », je parviens à réduire le LDL-c à ces seuils très bas avec des statines, éventuellement associées à l’ézétimibe, sans recourir systématiquement aux anti-PCSK9 : il est impérieux d’impliquer le patient dans son traitement.

 

La stratification du risque a-t-elle évolué ?

Oui. Si les quatre catégories précédemment définies par l’ESC sont préservées, la définition du « Très Haut risque » a été élargie au-delà de patients ayant déjà une maladie athéromateuse clinique. Elle intègre désormais également le diabète avec atteinte d’un organe cible OU au moins trois facteurs de risque CV (FRCV), l’hypercholestérolémie familiale avec un autre FRCV et également la maladie CV athéromateuse asymptomatique mais documentée à l’imagerie.

 

Cela signifie-t-il que, au-delà du bilan lipidique, l’imagerie est maintenant nécessaire?
Selon ces recommandations 2019, l’imagerie n’est à considérer que dans les cas équivoques pour mieux affiner le risque CV. Par exemple, devant un patient avec un LDL-c à 1,70 g/L mais avec surcharge pondérale, HTA modérée ou des antécédents familiaux d’évènements CV. Deux marqueurs de haut risque sont actuellement retenus : à l’échodoppler, une sténose carotidienne > 50 %, ou au scanner thoracique non injecté, un score calcique coronaire > 400. La présence d'un index de pression systolique <0.90 ou la présence de sténose coronaire >50 % sur deux artères à la coronarographie sont aussi des situations « à très haut risque » et la stratégie thérapeutique sera adaptée en conséquence.

 

Quelles sont les recommandations pour la prise en charge thérapeutique de l’hypercholestérolémie?
Les statines restent un pilier de la prévention cardio-vasculaire. Elles sont recommandées en première intention (classe I-A). L’ézétimibe est utilisé en seconde ligne en association avec les statines si l’objectif n’est pas atteint (classe I-B) ou en cas d’intolérance à ces dernières. Et si cela ne suffit toujours pas, en prévention secondaire ou chez les patients atteints d’une hypercholestérolémie familiale à très haut risque, les recommandations européennes préconisent d’associer un anti-PCSK9. En France, on adressera donc au spécialiste après avoir vérifié l’observance du traitement et le respect des règles hygiéno-diététiques.

 

Et pour l’hypertriglycéridémie?
Là encore, on vise avant tout à réduire le risque CV global et non pas un taux lipidique. Chez les patients avec un TG ≥ 2 g/L, si les mesures diététiques et l’équilibration d’un diabète s’avèrent insuffisantes, ce sont donc les statines qui sont recommandées en première ligne (classe I). Dans un second temps, elles peuvent être associées chez les patients à haut risque aux oméga-3 ou aux fibrates (fénofibrates, bezafibrate).

 

Dans les recommandations 2019, de nouvelles anomalies lipidiques ont été discutées. Lesquelles ?

Il s’agit de la lipoprotéine (a) Lp(a). Un taux élevé de Lp(a) entraîne un risque de maladie CV athéromateuse équivalent à celui de l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote. Ce taux est déterminé à 90 % par des facteurs génétiques, l’alimentation a peu d’impact. C’est pourquoi l’ESC recommande désormais le dosage de la Lp(a) au moins une fois au cours de la vie. En France, où le dosage n’est pas remboursé, il coûte 18 euros, le sujet risque donc de revenir prochainement sur le devant de la scène.

 

Propos recueillis par Marie Christine Tomasso

 

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