• Thierry BRETON : ASSOCIATION FILIÈRE INTELLIGENCE ARTIFICIELLE & CANCER

L’IA au service de l’intérêt général

Discipline : Oncologie, Dépistage

Date : 10/01/2022


  • 9_pictureEntretien_126Entretien_Breton.jpg

TOUT METTRE EN ŒUVRE POUR ÉNERGISER L’INNOVATION THÉRAPEUTIQUE EN CANCÉROLOGIE AU BÉNÉFICE DU PATIENT, EN Y ASSOCIANT TOUS LES ACTEURS —INSTITUTIONS, RECHERCHE, BIOTECH. C’EST LA VOCATION DE L’ASSOCIATION « FILIÈRE INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET CANCER » (FIAC),CRÉÉE EN AOÛT DERNIER. THIERRY BRETON EST DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’INSTITUT NATIONAL DU CANCER (INCA), L’UN DES FONDATEURS ET PIVOT DE CE PROJET HISTORIQUE

 

TLM : Quels sont les principaux enjeux de la création de l’association Filière Intelligence Artificielle et Cancer ?

Thierry Breton : Cette association sans but lucratif réunit, ce qui est inédit à ce jour, des acteurs privés et publics autour d’une mission d’intérêt général, en l’occurrence l’innovation thérapeutique au service du patient. Côté privé, elle compte comme membres fondateurs des laboratoires de tout premier plan en cancérologie et des associations œuvrant dans le numérique, France Biotech et l’Alliance pour la recherche et l’innovation des industries de santé (ARIIS) ; et, côté public, l’Institut national du cancer et le Health Data Hub. Premier enjeu, il s’agit de faire en sorte que les données existantes aujourd’hui en cancérologie puissent être utilisées par les industriels de toute taille et de toute nature —laboratoires, startups, biotechs, etc.— dans l’objectif de les aider dans la conception de médicaments ou de dispositifs médicaux, et de promouvoir ainsi l’innovation thérapeutique. Autre enjeu, tout aussi capital : que cette innovation bénéficie directement aux patients — par là cette association s’inscrit dans la stratégie décennale de lutte contre les cancers. Troisième enjeu : encourager l’utilisation de l’intelligence artificielle et faire ainsi advenir de nouvelles connaissances qui permettront à leur tour de développer de nouvelles innovations.

De fait cette association répond, ce qui n’était pas prévu au départ, à une logique d’attractivité économique : en offrant à tous, Français comme étrangers, la possibilité d’utiliser les données françaises en cancérologie, qui sont parmi les meilleures au monde, on pourra inciter les acteurs étrangers à développer leurs essais et leurs produits en France, ce qui bénéficiera du coup aux patients du territoire national.

 

TLM : Comment fonctionnera l’association vis-à-vis des projets proposés ?

Thierry Breton : Elle aura à examiner les projets visant à réutiliser les données disponibles en cancérologie, tout d’abord ceux présentés par les membres du conseil d’administration et les membres fondateurs, et dans un deuxième temps par tout autre porteur. Les projets seront sélectionnés, bien entendu, sur le critère de la pertinence scientifique et médicale, mais aussi sur le fait qu’ils s’inscrivent dans une mission d’intérêt général au bénéfice des patients et qu’ils respectent strictement les règles d’utilisation des données de santé, dans le cadre légal Informatique et libertés. Une fois les projets sélectionnés, nous en accompagnerons les porteurs : les données en cancérologie sont très riches et souvent complexes, et elles peuvent faire l’objet d’interprétations parfois divergentes si bien que leur utilisation peut s’avérer délicate. Nous accompagnons donc les acteurs, pour les gérer, les qualifier et les interpréter. Ces données seront accessibles via une plateforme dont l’INCa est propriétaire. Je souligne ici que les chercheurs académiques, quelle que soit leur origine, bénéfieront d’un accès de droit et gratuit à l’ensemble des données de cette plateforme.

 

TLM : Quel est le rôle dévolu à l’INCa dans l’association ?

Thierry Breton : L’INCa participe à la gouvernance générale de cette association. Plus spécifiquement, nous jouons le rôle de tiers de confiance au sens où nous disposons d’une minorité de blocage, c’est-à-dire d’un droit de veto à l’encontre des projets que nous estimerons ne pas respecter la mission d’intérêt général que nous nous sommes assignée ou non conformes aux prescriptions légales en matière d’informatique et libertés. Autre rôle de l’INCa : médicaliser davantage encore la plateforme de données que nous mettons à la disposition des opérateurs. Aujourd’hui les données dont nous disposons sont en grande partie médico-administratives ; notre souhait est donc d’en accentuer l’aspect médical, en engrangeant davantage de connaissances notamment sur les stratégies thérapeutiques. Á cet effet on y adjoindra des données issues des réunions de concertation pluridisciplinaire, des registres du cancer, etc. L’important pour nous, comme pour tous les membres fondateurs chacun selon sa logique propre, réside dans cette logique d’intérêt général au service des patients, dans le respect absolu des règles en matière d’informatique et libertés. Nous nous sommes dotés de comités de déontologie et d’éthique, de comités scientifiques qui sont des instances indépendantes composées d’experts et de patients qui suivront, apprécieront et commenteront le travail réalisé dans le cadre de cette filière. Ce qui constitue un gage d’efficience et de transparence pour cette initiative en laquelle nous mettons, nous ainsi que les membres fondateurs, de grands espoirs.

Propos recueillis

par Bernard Maruani

  • Scoop.it