• Laura Létourneau : Les moyens d’une gouvernance intelligente du numérique en santé

Discipline : Gestion professionnelle

Date : 24/11/2019


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Intensifier la sécurité et l’interopérabilité des systèmes, accélérer le déploiement des services numériques en santé, développer des plates-formes pour usagers et professionnels, soutenir l'innovation. C’est la feuille de route confiée à Laura Létourneau*  en vue d’accélérer le virage du numérique santé en france

TLM : Quel est l’objectif premier de votre mission ?

Laura Létourneau : Mettre en œuvre un développement massif et cohérent du numérique en santé. C’est le seul moyen permettant à la fois la coordination entre professionnels de santé, au patient d’être acteur de sa santé et de lutter contre les inégalités d’accès aux soins. Depuis des années on prétend mettre le citoyen au cœur du système de santé, or quasiment aucun outil numérique santé n’est aujourd’hui à sa disposition pour y parvenir. Notre objectif vise à y remédier.

TLM : Selon quels axes allez-vous prioritairement agir ?

Laura Létourneau : Une masse d’initiatives fleurissent un peu partout sur le terrain, mais de façon anarchique et sans coordination entre professionnels de santé. La première des cinq grandes orientations de la feuille de route présentée par la ministre en avril dernier est de renforcer la gouvernance du numérique en santé, avec notamment la création d’une délégation ministérielle dédiée. Agissant en chef d’orchestre des différents acteurs institutionnels, cette délégation a pour mission de définir la politique globale et commune à tous les acteurs, d’en garantir la cohérence, de coordonner l’ensemble des acteurs institutionnels et de superviser le pilotage des chantiers. Les quatre autres orientations sont tout aussi importantes : intensifier la sécurité et l’interopérabilité des systèmes d'information, accélérer le déploiement des services numériques santé (dossier partagé, messagerie sécurisée, e-prescriptions, etc.), développer des plates-formes numériques pour usagers et professionnels de santé, enfin, soutenir l'innovation et favoriser l'engagement des acteurs.

TLM : Quelle sera la fonction de ces plates-formes numériques…

Laura Létourneau :  Côté usagers de santé il s’agit de la mise en ligne, dès 2022, de l'Espace numérique de santé, une plate-forme personnelle, ouverte à tous, qui regroupera les applications publiques ou privées de chacun —le portail patient de votre hôpital, de votre mutuelle, votre compte Ameli, votre application diabète, etc. Tous ces outils et services devront utiliser le Dossier médical partagé et respecter des règles de sécurité et d’interopérabilité préalablement définies. L’usager disposera alors des outils pour être acteur non seulement de sa santé mais aussi de l’amélioration du système de santé. En effet à travers cet espace il pourra faire des retours d'expérience en direction des professionnels et des établissements de santé mais aussi en direction des pouvoirs publics lesquels utiliseront ces retours pour repenser leurs pratiques organisationnelles.

Côté professionnels de santé, il s’agira d’un bouquet de services, en miroir de l’Espace numérique de santé. Ce sera un magasin d’applications, qui permettra au professionnel de mieux connaître les différents outils et services numériques à sa disposition et de naviguer de façon fluide de l’un à l’autre, et donc de gagner du temps médical.

TLM : Comment envisagez-vous de mettre en œuvre ces orientations ?

Laura Létourneau : Je commencerai par souligner que toutes ces orientations doivent s'inscrire dans un cadre éthique fort. La France et l’Europe doivent ancrer leurs projets numériques en santé dans un humanisme numérique qui consituerait une troisième voie entre le numérique à l’américaine et le numérique à la chinoise. On ne peut pas imaginer un système numérique qui ne serait pas au service des humains dans un secteur dont la mission est précisément de l’être. Ces cinq orientations seront donc mises en œuvre dans une logique d’État plate-forme. L’État, d’une part, définit les règles de base —cadre éthique, interopérabilité, sécurité, etc.— et, d’autre part, développe les infrastructures techniques permettant l’échange et le partage. Et il laisse le soin à l’écosystème de développer, dans l'espace de confiance et d'ouverture ainsi créé, des services numériques à valeur ajoutée pour les citoyens ou les professionnels de santé.

TLM : Quelle sera votre première initiative ?

Laura Létourneau : Dès septembre prochain nous mettrons en concertation publique un document de doctrine qui viendra détailler la feuille de route de tous ces projets. Il s’agit d’en donner une claire visibilité à l’écosystème de santé, et notamment aux professionnels de santé. Par ailleurs, entre septembre 2019 et février 2020, la délégation ministérielle du numérique en santé, accompagnée de tous les acteurs institutionnels, entreprendra un tour de France des régions. Nous jugeons qu’il est absolument indispensable de se rendre sur le terrain, pour débattre et co-construire avec les acteurs, en particulier avec les professionnels de santé, afin de créer un élan collectif. Dans notre vision l’administration n’y arrivera pas toute seule, mais avec tout l’écosystème professionnel du sanitaire et du médico-social, établissements de santé, universitaires, chercheurs, industriels, start-upers, agents publics et citoyens. Il est important d’avancer ensemble avec enthousiasme et proactivité autour d’une vision commune, pour faire progresser la e-santé en France.

Propos recueillis par

Bernard Maruani

 

 

* Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, a présenté le 25 avril la feuille de route de la politique du numérique en santé définie dans le cadre de Ma Santé 2022. Annonçant dans la foulée la nomination de Dominique Pon et Laura Létourneau, respectivement responsable et déléguée ministériels de la Délégation ministérielle du numérique en santé. Laura Létourneau est déléguée opérationnelle d’une task force dédiée au numérique en santé. Elle est chargée de définir une gouvernance pérenne et de mettre en œuvre la transformation numérique en santé, notamment le développement de l’espace numérique de santé pour chaque usager.

 

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