• Joséphine Arrighi de Casanova : « SIMPLIFIER LE PARCOURS PATIENT… »

Le chatbot a pour vocation de fluidifier le système de santé

Discipline : Divers

Date : 10/10/2021


  • 15_pictureEntretien_125Entretien_Arrighi.jpg

Responsable Marketing & Communication santé mentale chez Qare, Joséphine Arrighi de Casanova a obtenu le prix de la meilleure thèse professionnelle à l’Escp business School pour ses travaux intitulés : « Le chatbot : outil de persuasion ? Le cas de la santé en France ». Elle livre ici sa vision du rôle des chatbots en santé

 

TLM : Où en est-on en France s’agissant des chatbots en Santé ?

Joséphine Arrighi de Casanova : Ces dernières années en France, les technologies conversationnelles en santé ont connu des évolutions plutôt qu’une révolution : peu d’acteurs nouveaux sont apparus tandis que ceux qui existaient n'ont fait, dans l’ensemble, que renforcer leurs axes de développement. Une évolution bien moins rapide que dans les secteurs marchands —banque, assurance, services clients. La première raison de ce décalage est inhérente à la technologie elle-même, qui présente des limites s’agissant d’assurer une personnalisation aussi poussée que le requiert un service de santé. De son côté l’utilisateur, s’il accepte de partager ses données pour le suivi d’un colis ou la réservation d’un billet de train, se montre bien plus réticent à livrer ses données de santé. Quant aux professionnels de santé, une étude récente a montré que 75 % d’entre eux estimaient n’être pas suffisamment formés au numérique. Ce déficit de connaissances entraîne une méfiance à l’égard des technologies recourant à l’intelligence artificielle : on redoute qu’elles ne finissent par remplacer l’être humain, et on les rejette donc en bloc. Il est pourtant clair qu’il n’est pas question de remplacer le professionnel de santé, mais d’optimiser son action. Par ailleurs, ces technologies évoluent très rapidement, si bien que le praticien ne peut pas toujours être au fait de l’actualité numérique. Des initiatives des pouvoirs publics visent à changer la donne, à l’image de l’Espace numérique de santé et de son pendant pour les professionnels, le Bouquet de services, dispositifs dont l’objectif est d’aider les professionnels de santé autant que les citoyens à mieux connaître et utiliser ces outils.

 

TLM : En France de nombreux chatbots ont pour­tant vu le jour au début de la crise sanitaire…

Joséphine Arrighi de Casanova : Effectivement. Un chatbot comme CoviBOT, produit par la société BOTdesign, permettait au patient de déterminer, au moyen d’un test d’auto-diagnostic, s’il était susceptible d’avoir été contaminé. Ce type d’outil a obtenu de bons résultats d’audience auprès des utilisateurs, et contribué à désengorger les urgences au plus fort de la crise sanitaire. Il est intéressant d’analyser les raisons d’une telle réussite. Tout d’abord l’algorithme sur lequel étaient bâties les solutions, élaboré par le ministère de la Santé en collaboration avec l’Institut Pasteur, était en libre accès : les éditeurs de logiciels disposaient donc d’algorithmes sûrs et gratuits, ce qui leur a permis de mettre sur le marché des outils en un temps record. D’autre part ces chatbots avaient un périmètre d’action très circonscrit, en l’occurrence les symptômes du Covid. Plus le chatbot a un champ d’intervention restreint, plus il est rapide à développer et susceptible d’être performant.

Parmi les autres exemples de réussite, citons Memoquest, un outil de suivi à domicile des patients en chirurgie ambulatoire développé par Calmedica. Ou encore ASISP.O, développé pour la chirurgie orale et qui en peu de temps a obtenu un taux d'adoption des patients opérés de plus de 70%. Après une chirurgie buccale, il permet au patient de répondre à un questionnaire de suivi —douleurs, saignements, etc.— et ne fait remonter au chirurgien que les cas nécessitant un contact direct avec lui ou avec ses équipes. Autre exemple, Mon Sherpa, outil de soutien psychologique créé en 2019 et racheté par Qare en 2020. Depuis sa création, il a été téléchargé plus de 230 000 fois et compte à présent plus de 30 000 utilisateurs par mois. Dernier exemple, le chatbot Vik, de la société Wefight : initialement développé pour l’accompagnement des patientes atteintes d’un cancer du sein, il est maintenant décliné dans plusieurs pathologies chroniques —asthme, migraine, etc. Nous avons donc quelques beaux succès en France et surtout pérennes, ce qui atteste de la pertinence et de la performance des outils.

 

TLM : Quels développements sont-ils envisageables dans l’avenir ?

Joséphine Arrighi de Casanova : Il me semble que nous n’aurons plus tant des offres de service isolées et qui se suffisent à elles-mêmes que des chatbots intégrés dans le parcours numérique du patient. Ils interviendront pour faciliter et automatiser certains points de contact entre l’utilisateur et une structure ou un professionnel de santé, de façon à simplifier et fluidifier le parcours patient. C’est par exemple le cas des « symptom checkers », majoritairement développés dans les pays anglo-saxons. Ces vérificateurs de symptômes peuvent permettre de réaliser une préqualification de la téléconsultation afin de définir l’état de gravité du patient et ainsi de le diriger vers la bonne structure —urgences, prise en charge dans l’heure, dans la journée, etc. Le médecin de demain sera amené à prescrire des outils numériques en complément, voire en substitution, de traitement médicamenteux. On voit déjà poindre les thérapies digitales dans le champ de la cancérologie, la santé mentale ou le diabète, dispositifs qui seront sans nul doute amenés à prendre de l’ampleur dans les années à venir.

Le chatbot n’est finalement qu'une modalité de recueil et de diffusion de données et d’automatisation des tâches. Une technologie que l’on peut mettre au service de la prise en charge de nombre de pathologies et inscrire en divers points du parcours patient.

Propos recueillis

par Bernard Maruani

 

https://covibot.botdesign.net

www.calmedica.com

www.asispo.com

https://wefight.co

  • Scoop.it