• Dr Nicolas Postel-Vinay : « A NOUS DE RECOMMANDER DES OUTILS VALIDES ! »

La e-santé passe par la préconisation du médecin

Discipline : Cardiologie

Date : 10/06/2020


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Le Dr Nicolas Postel-Vinay, de l’unité d’Hypertension artérielle de l’Hôpital européen Georges-Pompidou et fondateur du site automesure.com, explique combien les outils numériques ont aidé à la prise en charge des patients à l’occasion de la crise sanitaire…

 

TLM : Comment votre service a-t-il utilisé les outils numériques pour faire face à la crise sanitaire du Covid ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Comme il a fallu déprogrammer un nombre important de consultations, nous avons trié les patients dont l’état imposait de garder un contact attentif. Nous avons très vite recouru à la téléconsultation avec ORTIF, la plateforme de télémédecine de l’Agence régionale de santé, mais aussi par téléphone, mails et avec nos outils propres à l’hypertension. Il faut dire que bien avant la crise sanitaire nous travaillions déjà à distance pour des patients urgents ou habitant à plus de 100 kilomètres de notre service. Ces contacts numériques se sont avérés indispensables. Dans leur ensemble les patients ont fait preuve d’une remarquable adaptabilité. Cette crise a eu ceci de positif qu’elle a permis à la culture numérique des patients de découvrir la témédecine. La sortie de crise se soldera-t-elle par un retour à la normale ou favorisera-t-elle une évolution des pratiques concernant le numérique ? Il est trop tôt pour le dire. En ce qui concerne notre service, très vite au cours de la crise nous avons privilégié le recours à des systèmes informatiques déjà mis en place pour la préparation en ligne de la consultation.

 

TLM : Quels sont ces outils ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Notre algorithme Hy-Result (www.hy-result.com), qui est validé, permet le recueil en ligne des résultats d’automesure de la pression artérielle assortis de conseils personnalisés. Il peut être couplé à un module d’interrogatoire par Internet nommé Hy-Quest (www.hy-quest.com). Concernant les analyses biologiques, le patient reçoit par mail ou SMS une ordonnance et en communique les résultats par scan. Nous disposons aussi du site Internet centre-hypertension.org, qui explique aux patients ce qu'ils ont à faire pour préparer le rendez-vous. Via ces outils, le patient dispose d'un guide l’aidant à mesurer correctement sa pression artérielle. Et il obtient un retour automatisé avec trois éléments : un récapitulatif extrêmement clair transmissible aux médecins ; un code couleur situant le caractère de gravité ; un système de messages textes tenant compte du profil du patient —diabète, grossesse, etc. Ce dispositif, d’une utilisation très simple, est accessible à tous les patients et il peut être préconisé autant par le médecin traitant que par le cardiologue. Ses contenus actualisés sont élaborés à partir des recommandations de la Société européenne d’hypertension 2018. A cet égard je signale que nous en sortons une version mobile. Cela dit, le téléphone a beaucoup servi, notamment quand on ne pouvait pas faire autrement. Face à des patients ne sachant pas utiliser ces techniques ou à qui elles n’étaient pas accessibles, nous passions un coup de fil pour savoir s'il y avait urgence ou non. La fracture numérique est une réalité qui a été prise en compte par les autorités durant cette crise ; j’espère que cela durera.

 

TLM : Quels sont les outils connectés susceptibles d’être utiles au patient en cardiologie ?

Dr Nicolas Postel-Vinay : Le risque cardio-vasculaire est une médecine qui se quantifie plutôt bien —pression artérielle, fréquence cardiaque se traduisent en chiffres. La démarche d’automesure est intéressante pour l’autonomie et l’adhésion du patient. Est-ce indispensable qu’ils soient connectés ? Pas nécessairement. Notre logiciel Hy-result, par exemple, ne requiert pas obligatoirement l’utilisation d’un appareil connecté d’auto-mesure tensionnelle. Concernant la télétransmission des résultats d'électrocardiogramme pour le grand public, il existe un auto-tensiomètre réalisant des ECG à une piste. Mais comme il un a coût et requiert une certaine compétence digitale de la part du patient nous ne l’utilisons pas beaucoup. Pour ma part je l’ai utilisé une seule fois, en dernier recours pour un patient vivant en Afrique, et il a très bien fonctionné. Il reste que se pose la question de la responsabilité car la qualification précise du jugement du cardiologue et sa prise de responsabilité passent par un électrocardiogramme à 12 pistes. Dans ces conditions, pour le médecin, il est plus simple de faire venir le patient pour procéder à l'examen (je ne parle pas ici des contrôles à distance des devices implantables qui constituent une réelle avancée). En d’autres termes, ce genre d’appareil grand public à une piste ne peut servir qu’à du débrouillage. Concernant la mesure du poids, fondamentale dans l’insuffisance cardiaque, la littérature sur la télésurveillance fait état d’études parfois contradictoires. Quant aux podomètres et aux traceurs d'activité ils peuvent être utiles chaque fois que le maintien de l'activité est nécessaire, comme dans le diabète et en cardiologie. Toutefois toutes les études ont montré qu'ils étaient rapidement abandonnés par leurs utilisateurs —50 % à trois mois et 80 % à 12 mois. Ils restent néanmoins utiles, même portés quelques mois, car ils favorisent la prise de conscience de l’intérêt de la marche et de l’activité physique. A cet égard nous sortons, avec la Société de pneumologie de langue française (SPLF), l’application Activ BPCO, qui est davantage médicalisée que les podomètres ordinaires.

Dans la pléthore d'applications disponibles, le rôle du médecin dans le choix du patient est fondamental. Je dirais qu’en matière de e-santé l'adhésion en passe par la préconisation du médecin. A nous de recommander des outils validés, et seulement ceux-là…

Propos recueillis

par Bernard Maruani

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