Deux outils pour le généraliste : le RIPB et site pro.alcool-info-service.fr
- Discipline :
- Addictions
- Auteur :
- Daniel Paré
- Date :
- 17/02/2019
Parce que l’alcool comporte des risques pour la santé
Deux outils pour le généraliste : le RIPB et site pro.alcool-info-service.fr
L’alcool, selon les dernières études, est pathogène même à faible dose. Il est donc capital que le médecin de premier recours qu’est le médecin généraliste aborde le sujet de l’alcool avec ses patients et les accompagne dans la réduction de leur consommation. Il dispose à cet égard d’un outil efficace simple à utiliser, le RPIB (Repérage précoce et intervention brève). Il peut aussi consulter l’espace professionnel du site alcool-info-service.fr récemment mis en ligne par Santé publique France.
Trois repères ont ainsi été édictés en 2017 par un groupe d’experts scientifiques réunis par Santé publique France et l’Institut national du cancer (INCa), à la suite d’une saisine de la Direction Générale de la Santé (DGS) et de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) : pas plus de dix verres d’alcool par semaine, pas plus de deux par jour et des jours dans la semaine sans consommation. Il reste que la consommation de boissons alcoolisées reste profondément ancrée dans les pratiques culturelles françaises.
L’alcool, même à « faible » dose, entraîne cancers, ACFA, AVC hémorragiques, HTA…
Malgré une diminution régulière du volume consommé depuis 50 ans (de 26 litres d’alcool pur en moyenne par habitant âgé de 15 ans et plus en 1961 à 11,7 litres en 2017), l’alcool demeure, avec 41 000 décès en 2015,l’une des trois premières causes de mortalité.. Il est en particulier le deuxième facteur de risque de cancer lié au mode de vie ou à l’environnement, responsable de près de 30 000 cancers en 2015.
> La corrélation entre alcool et cancer est avérée dès le premier verre. L’alcool est ainsi classé, depuis 1988, comme puissant cancérigène par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Sept cancers sont attribuables à la consommation d’alcool : bouche, pharynx, larynx, œsophage, côlon-rectum, foie, sein (post-ménopause).A titre l’exemple, une consommation d’alcool inférieure à deux verres quotidiens est responsable d’un quart des cancers du sein induits par l’alcool Ce sont ainsi 16 000 décès par cancer qui sont imputés à l'alcool chaque année.
> L’impact est aussi considérable en matière cardiovasculaire. Les hommes sont principalement exposés dès la première dose d’alcool : AVC hémorragique, fibrillation atriale,, dont respectivement 1/3 et52% des décès sont imputables à l’alcool. Les femmes, à partir de plusieurs verres par jour, sont aussi concernées avec des pathologies comme l’HTA et la fibrillation atriale. Chez l’un et l’autre sexe, l’alcool entraine également des cardiopathies ischémiques.
Comment parler d’alcool avec ses patients ?
Même à des niveaux de consommations jugées «faibles » les risques sont avérés. D’où l’importance d’aborder le sujet de l’alcool avec le patient, même si briser la glace est souvent difficile.
A cet égard, et pour des patients non alcoolo-dépendants, le praticien dispose d’un outil efficace et simple à mettre en place, le RPIB (Repérage précoce et intervention brève) qui a fait ses preuves selon de nombreuses études (cf. bibliographie ci-dessous). Procédure de prévention, le RPIB permet : a) de repérer les patients présentant une consommation de substance psycho-active à risque et b) de les aider à réduire leur consommation.
a) Pour le repérage précoce de la consommation d’alcool, deux des questionnaires les plus utilisés sont AUDIT et FACE.
- AUDIT (Alcohol Use Disorders Identification Test) développé par l’OMS, est composé de 10 questions évaluant l’état des consommations déclarées des douze derniers mois. Les questions mesurent la fréquence de la consommation d’alcool, la dépendance et les problèmes engendrés par la prise d’alcool.
- FACE (Fast Alcohol Consumption Evaluation) est composé de 5 questions. Les questions 1 à 2 évaluent la consommation d’alcool déclarée des douze derniers mois et les questions 3 à 5 à l’alcoolisation à risque et la dépendance en vie entière. Ce questionnaire a l’avantage d’être très rapide et donc facilement réalisable au cours d’une consultation.
b) L’intervention brève a pour objectif, de son côté, de motiver un changement de comportement chez les consommateurs d’alcool qui peuvent courir un risque faible ou une consommation excessive sans pour autant être dépendant. L’intervention s’appuie sur l’entretien motivationnel fondé sur l’empathie, une écoute réflective qui vise à renforcer la motivation de l’individu et à lui apporter des informations tout en respectant ses choix et son ambivalence. Le succès repose grandement sur la qualité de la relation et notamment la confiance entre le patient et le professionnel.
Pour aider le généraliste dans son action, Santé publique France vient de mettre en ligne un espace web dédié aux professionnels avec les dernières données scientifiques sur l’alcool et la santé, les nouveaux repères de consommation, et propose des outils d’aide au repérage des consommations à risques, et dans l’accompagnement des patients dans la réduction des doses d’alcool consommées.
Pour les patients, les services gratuits et anonymes tels que la ligne 0 980 980 930 et alcool-info-service.fr seront complétés par un nouveau service: l’alcoomètre, qui permettra à l’utilisateur d’autoévaluer sa consommation d’alcool et de se comparer avec la population générale.
Bibliographie
1. Michaud et al. (2008) : l’intervention brève est efficace en santé au travail comparée avec une information écrite, ayant elle-même une influence sur les consommations.
2. Kaner et al. (2007) : l’intervention brève entraîne la réduction de la consommation d’alcool chez les hommes (non prouvée chez les femmes) avec une diminution de la consommation de 57g par semaine en moyenne. Des interventions plus longues ne sont pas associées à une réduction significativement plus importante des consommations.
3. Bonaldi, C. & Hill, C. (2018), ‘La mortalité attribuable à l'alcool en France en 2015’, Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire.
4. Shield, K. D.; Micallef, C. M.; Hill, C.; Touvier, M.; Arwidson, P.; Bonaldi, C.; Ferrari, P.; Bray, F. & Soerjomataram, I. (2017), 'New cancer cases in France in 2015 attributable to different levels of alcohol consumption', Addiction 113(2), 247--256.
5. Roerecke, M.; Tobe, S. W.; Kaczorowski, J.; Bacon, S. L.; Vafaei, A.; Hasan, O. S. M.; Krishnan, R. J.; Raifu, A. O. & Rehm, J. (2018), 'Sex-Specific Associations Between Alcohol Consumption and Incidence of Hypertension: A Systematic Review and Meta-Analysis of Cohort Studies', Journal of the American Heart Association 7(13).
6. Gallagher, C.; Hendriks, J. M. L.; Elliott, A. D.; Wong, C. X.; Rangnekar, G.; Middeldorp, M. E.; Mahajan, R.; Lau, D. H. & Sanders, P. (2017), 'Alcohol and incident atrial fibrillation A systematic review and meta-analysis', International Journal of Cardiology 246, 46--52.